Revue de presse
“Rory Gallagher fit partie des grands guitaristes britanniques (Irlande) des années soixante-dix. Le blues fut son inspiration première, mais sa musique a franchi les frontières du blues. C’est en 1972, le 12 septembre, que le Melody Maker le plébiscite devant Eric Clapton et Jimmy Page. « Le 18 au matin, Jimi Hendrix est retrouvé mort à son domicile à Londres. C’est la fin d’une époque ». Et quelle époque ! Rory Gallagher commence alors une carrière solo après la dissolution du groupe qu’il avait formé, Taste. Neville Rowley nous embarque dans le sillage du musicien irlandais sur douze de ses titres, comme les douze mesures du blues qui aura inspiré sa musique. Taste est donc formé à l’été 66, un trio à l’image de celui que Gallagher admirait tant pour la liberté de jeu que cette formation laissait au guitariste, Cream. Il y aura Eric Kinterringham à la basse et Norman D’amery à la batterie. Le nom du groupe, Taste, sera choisi à la hâte. « Après tout, si certains s’appellent “la crème”, pourquoi ne pas insister sur “le goût” ? ». Le groupe commencera par des reprises des Rolling Stones, des Who, de Chuck Berry, ou encore de Dylan. Gallagher va alors s’essayer à l’harmonica, qu’on retrouvera plus tard sur certains titres. Tout cela se passe à Cork, mais pour que le groupe décolle, on va privilégier les compositions et on va s’installer à Belfast. Puis les tournées vont se succéder comme à Hambourg en janvier 1967. En novembre de la même année, Taste joue à Londres, où tout se passe, en première partie des Bluesbreakers de John Mayall, qui a confié la guitare à un certain Mick Taylor, bientôt débauché par les Rolling Stones. Si la musique des Bluesbreakers est de qualité, leur présence scénique est plutôt tranquille, ce qui contraste avec l’énergie de Taste, énergie qui va « enfoncer » le groupe de John Mayall. Le groupe progresse, et va enregistrer un 45 tours en avril 68, avec le titre Blister on the Moon, là encore un titre choisi à la hâte, comme le nom du groupe. Ce titre « c’est d’abord un gros son. Guitare, basse, batterie : ça sent la cave, les cheveux longs et la transpiration. On comprend immédiatement pourquoi les trois petits jeunes de Cork ont conquis bien des salles de concert, et pas seulement en Irlande ». Dès ce premier enregistrement, Gallagher s’occupe de tout, c’est lui qui compose, qui place sa guitare, chante. C’est ce qu’il fera désormais tout au long de sa (trop) courte carrière. Suivra un album, sommairement intitulé Taste, enregistré dans la foulée mais qui paraîtra un an après, dans lequel les compositions sont plus maîtrisées et la production plus précise. « Le 28 août 1970, Taste se produit au festival de l’île de Wight, dans le sud de l’Angleterre, et la performance est non seulement enregistrée, mais aussi filmée. (…) Comme à Woodstock, les clôtures ont sauté et plus d’un demi-million de personnes assistent gratuitement à ce défilé de grands noms, des Who à Jimi Hendrix, en passant par Miles Davis et Leonard Cohen ». Gallagher va tout donner dans ce concert, les idées musicales fusent, tout se passe comme si tout n’était qu’improvisation maîtrisée. Mais ce concert sera le chant du cygne de Taste, Rory Gallagher va se séparer de ses comparses pour d’autres horizons, sa carrière solo peut commencer, la maturité musicale le permettant. Le dernier concert du groupe a lieu le 24 octobre 1970 à Belfast, là où le groupe avait véritablement décollé. Gerry McAvoy et Wilgar Campbell seront respectivement à la basse et à la batterie, deux musiciens qui vont « servir » Gallagher et sur lesquels le guitariste pourra s’appuyer. Un album sera enregistré, intitulé Rory Gallagher, comportant des titres plus aboutis, des chansons « plus savamment construites ».
L’aventure commence en trombe et Neville Rowley dissèque un des titres de l’album, I fall Apart, pour souligner non seulement le texte, révélateur, mais aussi le choix musical qui s’inscrit dans la lignée d’un Led Zeppelin qui sortira un peu après son quatrième album. Le texte de Neville Rowley, documenté, nous convie ensuite à vivre les sommets du guitariste, tout comme ses angoisses et sa solitude… Un guitariste une fois encore parti trop tôt.”
“Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende. Un dialogue extrait du film, L’homme qui tua Liberty Valance, qui s’applique parfaitement à ce qu’aurait affirmé Jimi Hendrix lorsqu’on lui demandait ce que ça faisait d’être le plus grand guitariste au monde : « Je ne sais pas, demandez à Rory Gallagher ». Pourtant, c’est bien la vie réelle du mythique guitariste de blues irlandais que retrace Neville Rowley, lui-même d‘origine irlandaise. Au fil de douze morceaux de l’artiste, on suit le parcours d’un homme sombre et solitaire qui fut quand même élu « guitariste de l’année en 1972 » par le Melody Maker devant Éric Clapton et Jimmy
Page. L’auteur le rappelle à tous ceux qui auraient tendance à oublier ce virtuose qui sortit quatorze albums dont le mémorable live, Irish Tour ‘74. Un des meilleurs disques en public jamais publiés ? On retrouve donc avec bonheur l’histoire de cet Irlandais qui entre son premier groupe Taste et sa carrière solo unit les Irlandais de Belfast et de Dublin au moment où la guerre faisait rage en Ulster.”
“Malgré une carrière relativement courte à l’échelle de l’histoire du rock, celle de Rory Gallagher a marqué les esprits, notamment en son fief de Ballyshannon, en Irlande, où se trouve sa statue (mais aussi en France où une rue porte son nom dans la ville de Ris-Orangis, par exemple). Guitariste admiré par tous, comme Jimmy Page et Eric Clapton auxquels il a soufflé le titre de meilleur guitariste de l’année en 1972 dans les pages du Melody Maker, Gallagher possédait ce jeu incandescent et cette présence scénique unique qui ont alimenté la légende. Neville Rowley a beau être avant tout un historien de l’art, spécialisé dans la Renaissance italienne, ses origines irlandaises y sont sûrement pour quelque chose dans la rédaction de ce livre (en parallèle à sa passion pour le blues). On y (re)découvre un musicien entier et passionné à travers son parcours décrit en grande partie à travers ses chansons. Si les structures et les paroles de ces dernières sont souvent décortiquées et analysées de manière poussée et très « universitaire » au risque de perdre un peu de spontanéité au profit d’une étude de texte un brin scolaire, le livre vous emmène directement aux côtés de Rory, pour mieux comprendre sa musique, celle qui vient du cœur, et accessoirement de là et donc du blues…”
“Bientôt 30 ans après le décès de notre irlandais adoré, quel plaisir de constater que Rory n’a pas été oublié et qu’un nouveau livre EN LANGUE FRANÇAISE lui est consacré ! En 140 pages et 12 chansons décortiquées (comme les 12 mesures du Blues), Neuville Rowley nous dresse un portrait subtile et bien documenté de celui qui fut, incontestablement, LE guitariste le plus sous-estimé de l’histoire du Rock. Un livre que tous les fans de Rory Gallagher se doivent de lire un jour ou l’autre pour se faire une idée (encore) plus précise de ce que fut le parcours d’un artiste à jamais irremplaçable par sa singularité, son refus du système en place, sa virtuosité légendaire, sa gentillesse et son humilité.”
“Ce soir du 10 Octobre 1978, il y a environ 3000 gusses et quelques nanas rassemblés dans le hangar de la Foire Internationale de Lille. On est là pour l’un des plus grands guitaristes du Rock, c’est sûr : Rory Gallagher ! Le gars à la Stratocaster usée, on l’a découvert tardivement dans l’émission Follies du regretté Gilles Verlant sur la télé belge. Son aisance en électrique comme en acoustique nous a subjugués, au point de nous faire croire que c’était facile… Et cette voix, chaude, qui chante si bien le Blues ! En ouverture (sic), le Rory a choisi… Penetration, un nouveau groupe punk avec une chanteuse, Pauline Murray. Son chant et son attitude s’avèrent très marquées par Patti Smith. Mais ses incantations ne remportent pas un franc succès dans la foule. Après des huées, exit Penetration ! Dommage ? Puis notre bonhomme arrive, veste en jean crème, bien sûr chemise à carreaux… Plus la fameuse Stratocaster ! Cette fois, Ted McKenna assure la batterie et l’incontournable Gerry McAvoy la basse. Très vite, le trio dégaine des titres des derniers albums Calling Card (1976) et Photo Finish le tout nouveau. Le son est très bon. Rory Gallagher rayonne. L’Irlandais impressionne par son jeu mélodique, énergique et virtuose. Après cette séquence très voltaïque, le chanteur / guitariste offre un set acoustique sur six cordes ou mandoline, entraînant les Lillois à taper des mains et guincher sur Goin To My Hometown, comme dans un pub géant du côté de Cork ! Avec la dernière partie, Gallagher et ses deux complices embarquent toute la salle dans leur cercle d’énergie, entre Blues et Hard Rock avant un ultime rappel, inattendu et généreux, alors que toute la salle a été rallumée pour la sortie ! Mémorable ! Dans son livre, Neville Rowley propose une exploration de l’univers de Rory Gallagher en douze chansons, douze étapes tel le Blues pour dessiner le portrait de l’artiste et de l’homme. Cette démarche originale permet, grâce à l’analyse des textes, de cerner ses influences, ses talents – en tant que chanteur / guitariste mais aussi auteur / compositeur -, son humanité et pourtant aussi sa solitude. Car, depuis les débuts en Irlande puis la formation de Taste, et son parcours en solo, jusqu’à la fin trop précoce, derrière les concerts flamboyants et les disques attachants, il y a aussi les papillons noirs et l’alcoolisme qui lui seront fatals. Neville Rowley évoque ainsi la descente aux enfers du Guitar Hero : le Blues n’est-il pas la musique du Diable ? Après les brillances de la décennie 70, pendant les années 80 s’accumulent les amours malheureuses, les dépendances, la dépression, les concerts annulés, reportés, les malaises sur scène, le désintérêt de la presse et du grand public. Le fringant Gallagher vieillit mal, délaisse les chemise à carreaux pour le Noir et lâche même sa Stratocaster. Il semble parfois déjà ailleurs tandis que les disques se font rares, seulement trois albums studios en une décennie. Sur scène, le meilleur côtoie le pire… Jusqu’aux journées tragiques de 1995 que l’auteur raconte avec pudeur et émotion. Encore une fois chez Le Mot et le reste, un ouvrage indispensable !”