Parution : 24/09/2008
ISBN : 9782915378696
80 pages (11 x 17 cm)

8.00 €

Nirvana

Drain You

C’est la première fois que je vois la pochette de Nevermind.
J’avais imaginé un truc plus… américain. Un aigle survolant une montagne, ou trois types à moto. Des zombies en plein trip d’acide. Une bannière enflammée, portée par un vétéran du Vietnam. Des punks brûlant un Burger King.

« – Tu connais ça ? Je vais demander au DJ de le passer. On va rire !
Je regarde fixement la pochette. Un bébé nageur flotte devant un billet de banque, accroché à un hameçon. Le nom du groupe est inscrit en bas à gauche.
Nirvana.
C’est la première fois que je vois la pochette de Nevermind.
J’avais imaginé un truc plus… américain. Un aigle survolant une montagne, ou trois types à moto. Des zombies en plein trip d’acide. Une bannière enflammée, portée par un vétéran du Vietnam. Des punks brûlant un Burger King.
L’idée du bébé est géniale, parce qu’elle est audacieuse. Je tourne le boîtier dans tous les sens, comme le coffre d’un trésor. À l’arrière, il y a une drôle de photo. Un singe aux allures de plongeur, figé dans un décor infernal. L’eau, le feu, le singe, l’enfant, le billet vert, l’hameçon, tout cela me semble terriblement familier. Presque évident.
– Dis Guillaume, tu crois vraiment que Sono Michel va passer ton album de Nirvana ? C’est pas Boney M, c’est du hard rock !
– Et alors ?
– Heu… je ne pense pas que les vieux apprécient. Et le caniche ne veut pas être foutu dehors.
– Laisse-moi faire.
Guillaume se lève, un large sourire aux lèvres. Il rejoint l’estrade, me lance un regard amusé, et tend son CD au DJ. Le caniche se penche vers lui.
Il ne va pas le prendre. C’est pas possible. Il ne va pas… Il l’a pris ! Merde, une catastrophe se prépare.
Sono Michel bidouille son matériel. Fade out sur The Rivers Of Babylon, de Abba. Ça va être l’apocalypse. Je regarde Guillaume, je regarde le caniche, je regarde ma coupe pleine, et puis une chanson très douce s’élève des enceintes, se répand dans la salle, enveloppe la mariée, les enfants qui jouent, la foule qui danse, et je ne comprends pas ce qui se passe.
Guillaume me rejoint, victorieux, et s’amuse de mon air ahuri.
– Tu vois, fallait pas t’inquiéter. Ça s’appelle Poly. C’est la sixième chanson sur l’album.
– Merde, c’est Nirvana, ça ?
– Ben oui. Mais en acoustique. T’en penses quoi ?
Ce que j’en pense ?
C’est… beau. Cette chanson est magnifique. Dans la salle, quelques couples se sont enlacés. Mais la plupart des invités mangent. Les fourchettes s’enfoncent dans la viande saignante. Les couteaux raclent les assiettes. Ça renifle et ça mâchouille. »

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