Revue de presse
“Spécialiste des musiques américaines, Arnaud Choutet a publié des ouvrages très complets chez Le mot et le reste ces dernières années comme Country Rock en 2014, Rock sudiste en 2019 et Soft rock en 2020. Cette année, il se penche sur la Country, genre souvent mal connu dans nos belles contrées européennes mais qui connaît un succès de longue durée et presque invisible si on en juge l’augmentation du nombre de clubs de danses country. De fait, le genre country puise à pas mal de sources, dont les chansons traditionnelles écossaises, anglaises et françaises (via les cajuns) et… le Rythm and blues des noirs. Dans une Amérique longtemps ségréguée, les blancs et les noirs pauvres ne se fréquentent pas mais s’écoutent chanter et de fait, il y aura de nombreux échanges. Arnaud Choutet dissèque l’évolution de la country, montre l’importance du mouvement outlaw tout en donnant les listes des meilleurs disques : la Carter Family, Johnny Cash, Merle Haggard, Hank Williams Sr (et Jr), Tammy Wynette (ah ce Stand by your man !), ou Alison Krauss : tous y passent. De fait, la country a influencé tout le monde : dès 1961, Ray Charles publiait Modern Sounds in Country and Western Music où il reprenait des standards de la musique country. Johnny Cash, artiste de Sun Records a ses débuts, a influencé le rock (sans compter ses disques crépusculaires et hiératiques produits par Rick Rubin), Gram Parsons a influencé les Stones (sa carrière aurait pu être prodigieuse s’il n’était pas mort si jeune) et Kris Kristofferson a été repris par Janis Joplin. Et puis il y a le Nebraska de Springsteen, folk et country à la fois. On peut donc dire que la tentation du grand disque country par un artiste étranger au genre n’est pas née avec Beyoncé, ce qui n’enlève rien à ses mérites (sa version de Black Bird est superbe). Malgré des rythmiques parfois assommantes pour un non initié, la musique country mérite d’être redécouverte.”
“Afin de célébrer les l00ans des premiers enregistrements de musique country, le Vaiinetais Arnaud Choutet vient de sortir un ouvrage intitulé Country & americana, regroupant cent
disques essentiels qu’il décrypte à sa manière. Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de cet ouvrage et la mise en lumière de la country ? J’ai vécu aux États-Unis quelques années donc je suis un peu, imprégné de ça. Je suis musicien de manière amateur et j’aime m’intéresser aux musiques qui ont un fond traditionnel, la country en fait bien évidemment partie. Après des livres sur la musique bretonne et les traditions françaises, il était temps d’en consacrer un à la country. Ce qui me passionne, c’est cette possibilité d’actualiser et de moderniser le fond traditionnel. Comment avez-vous sélectionné vos disques? Qu’avez-vous cherché à valoriser ? Ça a été très difficile. ll y a au moins 50 000 disques de country. Après il y a eu très peu de-livres qui ont été
faits sur le sujet. C’est un genre qui n’a pas une très bonne image en France pour des raisons pas toujours très justes. Ce que ]‘ai cherché à mettre en valeur, c’est la qualité musicale d’interprètes souvent très connus comme Johnny Cash mais aussi Beyoncé. La country est une musique simple et accessible dans laquelle des·vérités très profondes ont prononcées, cela fait son charme.
Comment avez-vous articulé le décryptage de l’ensemble des disques? J’ai écrit des chroniques de disque en très peu de mots, environ 3 000 signes. L’objectif était d’essayer de
donner un aperçu de la personne, de sa personnalité, de son histoire et d’essayer d’amener le lecteur à écouter d’autres disques essentiels des compositeurs concernés. Cent compositeurs ont ainsi été décryptés au sein de l’ouvrage. J’ai cherché à creuser toutes les variations, à offrir un large éventail de propositions. Si j’écris, c’est aussi, pour le néophyte parce que souvent,
les gens ont une culture très fragmentée. C’est dommage, on s’arrête souvent au pied de la porte avant de découvrir tout ce qui se cache derrière elle.
Ce livre s’inscrit-il dans un contexte de rebond d’intérêt envers ces deux genres musicaux en France ? Nous, Français, avons quand même une oreille très branchée sur l’Amérique. Néanmoins, la culture country a mis plus de temps à prendre qu’en Allemagne ou d’autres pays
européens. Les différentes plateformes de musique favorisent aussi cela, la découverte de différents genres qui peut nous pousser à creuser ensuite de notre côté. Elles peuvent jouer le rôle de petites portes d’entrée ce qui est positif.”
“La bibliographie française accessible au grand public sur nos musiques se résume à une poignée de jalons déjà forts anciens. Rockabilly Fever (1983) et L’Encyclopédie de la Country et du Rockabilly de Michel Rose (1986), puis le Que Sais-je ? La country music de Gérard Herzhaft en 1984, sans omettre le monumental Guide de la Country Music et du Folk de Gérard Herzhaft et Jacques Brémond (1999) qui représente jusqu’à ce jour la somme plus aboutie en matière de typologie, arborescence et biographies. Si des passionnés comme François Ducray ont approché le genre sous une forme monographique Bob Dylan, le country-rock et autres amériques (2011) ou le beau Country, les Incontournables (1995) coordonné par Serge Loupien, une mise à jour récente manquait. C’est désormais chose faite. Tous ceux qui tentent une approche intellectuelle et érudite du phénomène se heurtent aux tristes spécificités des relais médiatiques et académiques français, à savoir une ignorance crasse encombrée de stéréotypes et clichés dépréciatifs. La tâche de vulgarisation nécessite donc foi, persévérance et aptitudes didactiques à franchir ces obstacles. Arnaud Choutet ne manque d’aucune de ces vertus. Il avait déjà commis, entre autres ouvrages musicaux, le précieux Country Rock chez le même éditeur (2014), centré sur ses artistes et groupes de prédilection, au croisement des foisonnements créatifs californiens et sudistes des années 1960–70. Avec Country & Americana il élargit le spectre et tente une approche totale. L’exercice a des contraintes qui feront toujours la joie des grincheux : en effet, l’inventaire exhaustif et diachronique des interprètes comme graal restera une illusion, et un non-sens éditorial auquel se sont déjà heurtés ses illustres prédécesseurs. Si les fondamentaux sont là, le prisme assumé et argumenté de la somme exprime aussi une subjectivité. 100 noms. 100 albums. La première qualité est celle de la grande diversité des sous-genres. Elle illustre en elle-même l’inanité de bien des idées préconçues sur une musique qui serait sans nuances ni diversités esthétiques. Pour chaque album, une série de liens et de conseils d’écoute offre des fils d’Ariane aux grands débutants prêts à s’immerger dans l’incroyable écosystème touffu. On conseillera aux gens de France-Culture d’y jeter une oreille, avec profit. Autre pépite, à mon avis, qui justifie à elle seule l’achat de l’objet, c’est le tableau très complet de l’état des lieux. Arnaud Choutet ne s’est pas contenté d’absorber ce qui a été enregistré et publié. Il est allé à la source des pratiques, des milieux qui font vivre le format, tant aux Etats-Unis qu’en France et au Canada. Il interroge les représentations, les dynamiques, les chapelles, avec une langue où la précision anthropologique reste claire et accessible. Œuvre d’un passionné, honnête dans son approche, qui n’hésite pas à aussi exprimer la puissance sentimentale et existentielle que porte la Country Music, il met sa subjectivité au service d’un outil aussi plaisant qu’indispensable. Gageons qu’il recevra un accueil à la hauteur de ses nombreux mérites.”