Revue de presse
“Retour sur l’histoire du groupe Carte de séjour, dont les membres, pour beaucoup enfants d’immigrés, ont grandi dans la banlieue lyonnaise et inventé un genre, l’arab rock.
Carte de séjour, c’est ce groupe de fils d’immigrés algériens, marocains, mais aussi de Lyonnais ayant grandi dans la banlieue ouvrière de Lyon et qui se nomment Mohamed, Brahim, Mokhtar, Jérôme, Éric ou encore Rachid. Avant leur séparation au terme de dix ans, ils ont complètement changé l’histoire du rock français et inventé un genre, l’arab rock. Carte de séjour a de fait donné une place à celles et ceux que l’on dit de la “deuxième génération” dans une France qui voyait pour la première fois, au cours de cette décennie 1980–1990, les idées extrême-droite fleurir avec beaucoup de force depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce groupe s’est avéré pionnier, non pas vraiment d’un style, mais sans doute d’une conversation infinie et jamais terminée sur ce qu’est l’identité quand on est né en France et que l’on a plusieurs cultures à défendre. Le tout dans cette époque révolue des années 1980 qui ont vu la gauche au pouvoir, la marche contre le racisme ou encore le mouvement “black-blanc-beur”. La musique de cette formation survit en partie grâce au charisme de Rachid Taha, devenu presque l’unique porte-parole de Carte de séjour. Ayant ensuite entamé une carrière internationale, il a sans doute laissé dans l’ombre les autres membres du groupe, les frères Amini, Mokhtar et Mohamed, mais aussi Jérôme Savy, Djamel Dif, Brahim M’Sahel, Éric Vaquer, qui dévoilent une histoire en fait beaucoup plus collective. Une histoire enfin racontée aujourd’hui par l’anthropologue et historien Philippe Hanus, spécialiste des luttes des travailleurs immigrés, qui signe le livre Carte de séjour : un groupe rock dans la douce France des années 1980 paru aux éditions Le mot et le reste.”
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“Rillieux-la-Pape (Rhône), dans la banlieue lyonnaise, est le berceau d’un groupe qui va bercer toute une génération avec son rock antiraciste. Ils se prénomment Mohammed, Brahim, Mokhtar, Jérôme, Éric et Rachid. Ils sont fils d’immigrés algériens, marocains et de Lyonnais de la banlieue. Nous sommes dans les années 1980. L’aventure Carte de séjour va durer une décennie. Rachid Taha devient le leader du groupe en chantant le « rhorho » un mélange d’argot lyonnais, d’arabe et de français. Il se dit que le groupe – qui a croisé le temps d’une soirée les Clash – a inspiré le titre Rock the Casbah à la bande de Joe Strummer. Dans un contexte social et politique agité, avec la montée de l’extrême droite, le groupe est le porte-drapeau d’une jeunesse multiraciale en reprenant Douce France de Charles Trenet. Scandale disent certains, quand d’autres applaudissent des deux mains. Le ministre de la Culture, Jack Lang, va jusqu’à distribuer le disque à l’Assemblée nationale. Carte de séjour est associé à toutes les manifestations, marche contre le racisme, mouvement black-blancbeur. Le groupe tacle les mariages arrangés chez les musulmans avec Zoubida. À Lyon, Rachid Taha (décédé en 2018), qui aura ensuite une belle carrière solo, a même ouvert une boîte, la bien nommée Le Refoulé, en réaction aux délits de faciès des établissements de nuit. Philippe Hanus, historien et anthropologue, retrace ici l’histoire de ce groupe de façon chronologique. Mais c’est aussi le portrait d’une époque, d’une société qui lutte contre la discrimination. Carte de séjour trouve encore un écho aujourd’hui dans le combat contre le racisme. Au-delà de l’engagement, il reste aussi et surtout leur musique qui a influencé bon nombre d’artistes pop, rock et rap, en France comme à l’étranger.”
“Retour sur l’histoire du groupe Carte de séjour, dont les membres, pour beaucoup enfants d’immigrés, ont grandi dans la banlieue lyonnaise et inventé un genre, l’arab rock. Carte de séjour, c’est ce groupe de fils d’immigrés algériens, marocains, mais aussi de Lyonnais ayant grandi dans la banlieue ouvrière de Lyon et qui se nomment Mohamed, Brahim, Mokhtar, Jérôme, Éric ou encore Rachid. Avant leur séparation au terme de dix ans, ils ont complètement changé l’histoire du rock français et inventé un genre, l’arab rock. Carte de séjour a de fait donné une place à celles et ceux que l’on dit de la “deuxième génération” dans une France qui voyait pour la première fois, au cours de cette décennie 1980–1990, les idées extrême-droite fleurir avec beaucoup de force depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce groupe s’est avéré pionnier, non pas vraiment d’un style, mais sans doute d’une conversation infinie et jamais terminée sur ce qu’est l’identité quand on est né en France et que l’on a plusieurs cultures à défendre. Le tout dans cette époque révolue des années 1980 qui ont vu la gauche au pouvoir, la marche contre le racisme ou encore le mouvement “black-blanc-beur”. La musique de cette formation survit en partie grâce au charisme de Rachid Taha, devenu presque l’unique porte-parole de Carte de séjour. Ayant ensuite entamé une carrière internationale, il a sans doute laissé dans l’ombre les autres membres du groupe, les frères Amini, Mokhtar et Mohamed, mais aussi Jérôme Savy, Djamel Dif, Brahim M’Sahel, Éric Vaquer, qui dévoilent une histoire en fait beaucoup plus collective. Une histoire enfin racontée aujourd’hui par l’anthropologue et historien Philippe Hanus, spécialiste des luttes des travailleurs immigrés, qui signe le livre Carte de séjour : un groupe rock dans la douce France des années 1980 paru aux éditions Le mot et le reste.”
“Un livre passionnant retrace l’épopée de Carte de séjour, groupe de rock métissé emblématique de la France des années 1980 et ardent contre-feu à la flamme mortifère de l’extrême droite alors en plein essor. Impulsé en 1980, Carte de séjour a atteint son pic de popularité en 1986–1987 grâce à sa reprise iconoclaste de « Douce France », fameuse rengaine nostalgico-patriotique de Charles Trénet. Petite soeur de « La Marseillaise » version reggae (« Aux armes etcetera ») de Serge Gainsbourg, cette chanson occulte hélas le reste de la discographie – mince mais substantielle – du groupe. Incarnant les vertus du métissage dans la musique comme dans la société, Carte de séjour apparaît aujourd’hui toujours aussi actuel et nécessaire mais semble pourtant un peu oublié. Très complet, richement documenté, fruit d’un travail de longue haleine lancé en 2013, l’ouvrage de l’historien et anthropologue Philippe Hanus, Carte de séjour. Un groupe rock dans la « douce France » des années 1980, se révèle aussi instructif qu’agréable à lire et invite à une (re) découverte en profondeur de la formation. D’emblée, l’auteur affirme son choix de ne pas se focaliser sur Rachid Taha, chanteur ô combien charismatique (appelé ensuite à une faste carrière solo), pour mieux appréhender la dimension collective de cette belle aventure musicale. Il rend ainsi ce qui leur appartient aux deux principaux instigateurs du groupe, Mohamed et Mokhtar Amini. Nés au Maroc, ces deux frères ont grandi en France durant les années 1960, dans une « ville nouvelle » en construction, Rillieux-la-Pape, en périphérie de Lyon, où leur père – ouvrier en bâtiment – est venu s’installer en 1958 pour travailler. Frappés par la foudre révélatrice (via l’album Black & Blue des Rolling Stones) durant l’adolescence, ils ont embrassé fiévreusement la cause du rock, écumant les salles de concert locales et apprivoisant chacun un instrument – la guitare pour Mohamed, la basse pour Mokhtar. En mai 1979 a lieu la rencontre avec un certain Rachid Taha, celui-ci s’improvisant chanteur avec éclat durant une jam session décisive. Le trio est ensuite rejoint par deux autres musiciens du sérail lyonnais : Djamel Dif (batterie) et Éric Vacquer (guitare). Carte de séjour – dont la composition va un peu fluctuer au fil des années – prend vie officiellement sur scène durant l’été 1980 et gagne rapidement en notoriété. « Il se passe quelque chose d’intéressant du côté de la banlieue lyonnaise, où une bande de “rebeus contestataires” diffuse un son nouveau, bricole un look décalé et élabore des postures scéniques qui cassent les règles conventionnelles de la rock attitude », analyse a posteriori Philippe Hanus.
Paru en mai 1982, leur premier maxi – sur lequel figurent notamment « Zoubida » et « La Moda », deux chansons phares de leurrépertoire – rencontre un beau succès critique et attrapemême les oreilles affûtées du légendaire animateur radio anglais John Peel. Peu après la sortie du disque, Éric Vacquer est remplacé par Jérôme Savy. Bénéficiant d’un large soutien médiatique, de la télé nationale aux fanzines underground, Carte de séjour poursuit son ascension avec son
premier album, Rhorhomanie (1984). On y entend un puissant rock arabisant, mâtiné de reggae et de funk, souvent proche de The Clash. Véritable manifeste, le titre fait référence au « rhorho », langage hybride propre au groupe, qui mêle arabe, français et argot. Altéré par une production un peu trop lisse, le deuxième – et dernier – album, 2 1/2 (1987), traduit une baisse relative d’intensité mais reste néanmoins consistant. En 1990, l’album Barbès marque le début de la carrière solo de Rachid Taha et signe la fin de Carte de séjour, le groupe étant miné
par des dissensions internes. Suivant un fil chronologique, Philippe Hanus relate en détail cette épopée intimement liée aux années 1980 et en resitue bien le contexte global. Évoquant notamment l’effervescence de la scène musicale lyonnaise et l’explosion du rock alternatif, il rappelle aussi l’émergence du Front national dans le paysage politique d’alors et les différentes luttes – plus ou moins médiatiques – menées contre le racisme et les violences policières. Quarante ans après, le combat (rock) continue.”
“Les années 80… Une décennie charnière. Entre rigueur économique, chômage de masse et montée du Front national, la France vit alors une mutation idéologique profonde. Le néolibéralisme s’impose, ses secousses traversent la société, et les immigrés deviennent souvent les boucs émissaires d’une crise qui les dépasse. C’est dans ce climat électrique qu’émerge un groupe au nom symbolique : Carte de Séjour. Rock nerveux aux accents orientaux, paroles engagées, énergie brute… Les Lyonnais bousculent les codes et, très vite, s’imposent comme la voix d’une jeunesse issue de l’immigration qui refuse de rester en marge. Leur reprise explosive de Douce France, hymne patrimonial de Charles Trenet, résonne comme un uppercut en pleine montée des thèses xénophobes. Quand Rachid Taha et ses camarades revisitent ce classique, ce n’est plus une carte postale nostalgique mais un cri d’appartenance : cette France est aussi la leur. En 1983, leur participation au grand concert de la Bastille, clôture de la Marche pour l’égalité et contre le racisme – dite “Marche des Beurs” – les installe définitivement comme porte-drapeaux artistiques et politiques d’une génération. “Douce France” devient l’hymne métissé et combatif d’une époque qui donnera naissance au slogan “Touche pas à mon pote”. Dans son ouvrage Carte de séjour – Un groupe rock dans la “douce France” des années 80 (Éditions Le Mot et le Reste), l’historien Philippe Hanus revient sur ce moment de musique et de société. Entre anecdotes, archives et portraits, il retrace l’aventure d’un groupe inclassable, mené par un Rachid Taha charismatique, mélangeant arabe dialectal, anglicismes et argot lyonnais, ce fameux “Rhorho” qui électrisait la scène. Plus qu’un livre de mémoire, c’est aussi un hommage vibrant à Rachid Taha, disparu en 2018 à 59 ans. Une façon de rappeler que derrière la fureur du rock se cachait une vision : celle d’une France multiple, bruyante, fière et métissée.”
“Dans un autre genre, on obliquera vers Carte de séjour, formé en 1980 autour du charismatique chanteur Rachid Taha et des frères Mokhtar et Mohamed Amini. Ce groupe a été l’un des premiers à fusionner le rock avec les sonorités du raï et d’autres musiques méditerranéennes. Le nom du groupe, choisi en référence au document administratif porté par les immigrés en France, reflétait leur identité et leur volonté de revendiquer leur place dans la société française. Leur musique, tout en étant énergique, était aussi un puissant vecteur de messages politiques et sociaux. Ils ont réussi à créer un son qui a séduit aussi bien les amateurs de rock que les jeunes issus de l’immigration, en parlant à la fois de leur double culture et des difficultés rencontrées dans la France de l’époque. Si le groupe a sorti des albums notables tels que Rhorhomanie (1984) et 2 ½ (1986), leur single le plus célèbre reste sans conteste la reprise de ” Douce France ” de Charles Trenet en 1986. Ce titre, initialement une chanson patriotique et nostalgique, a été transformé par Carte de Séjour en un hymne à la fois ironique et poignant pour les enfants d’immigrés. Ce choix musical a suscité un débat national, illustrant l’évolution de la société française et la montée de l’antiracisme. C’est retracé avec hauteur dans le livre ! Le groupe se sépare en 1990, Rachid Taha lançant par la suite une carrière solo à succès qui le mènera à une reconnaissance internationale. Bien que leur parcours ait été relativement court, l’influence de Carte de Séjour est indéniable. Ils ont ouvert la voie à un rock multiculturel et métissé en France, et leur musique reste un témoignage puissant de l’histoire sociale et culturelle des années 80.”
“Carte de Séjour est une formation clé des années quatre-vingt. Et cette première biographie du groupe lyonnais par Philippe Hanus souligne cette réalité. Historien et anthropologue, celui-ci passe en revue les débuts de ces fils d’immigrés sur la ZUP de Rillieux-la-Pape, les performances incandescentes du regretté Rachid Taha, ou bien encore le succès populaire via la reprise de « Douce France » de Charles Trenet. Dense, l’ouvrage décrit notamment cette propension à mêler les répertoires orientaux, reggae ou new wave (écoutez donc « This Is A Raï Song » et son intitulé aux faux airs de Public Image Limited). Face à une production hexagonale souvent dans l’ombre du registre anglo-saxon, cette dimension cosmopolite fait le distinguo. Préfiguration des expériences du jour dont les boucles d’Ammar 808 ou les riffs d’Al-Qasar, la courte discographie de Carte de Séjour est épluchée, à commencer par le caustique « Rhorhomanie ». De ce premier Lp se détachent la plage titulaire et ses allures de manifeste, ou bien encore « Ouadou », une transe chaâbi d’après ce répertoire fait par et pour les migrants. Édité par Le Mot Et Le Reste, ce livre offre, en perspective, une plongée lucide dans la France de la fin du XXème siècle, une période marquée par la présidence de François Mitterrand où transparaissent certaines avancées sociales ou un ambitieux ministère de la culture mais également la progression inquiétante de l’extrême droite et une prise de conscience salutaire comme La marche pour l’égalité et contre le racisme.”
“On peut avoir brillamment représenté la banlieue, cet espace invisible, au début des années 1980, porté la voix des descendants d’immigrés, inventé un rock entre électricité et sonorités du Maghreb, bousculé la France conservatrice, inspiré le célébrissime Rock The Casbah de The Clash… et rester cantonné dans la mémoire collective à sa reprise du Douce France de Charles Trenet. En une décennie, Carte de Séjour aura tout connu : les luttes, la gloire, un parcours classique (un groupe grandit, puis implose, car son chanteur, en l’occurrence Rachid Taha, préfère briller en solo) et une destinée unique, du rock qui connaîtra un succès international, avec un chant mêlant argot lyonnais, arabe et emprunts à l’anglais. La mondialisation musicale avant l’heure, racontée notamment via des entretiens avec les membres survivants du groupe par l’anthropologue et historien Philippe Hanus, spécialiste des combats des travailleurs immigrés et de leurs descendants. Une histoire française, cosmopolite et riche et une épopée musicale hors du commun.”
“Chercheur dans le domaine des migrations, anthropologue et historien, mais aussi fan de rock, Philippe Hanus consacre un livre très documenté et passionnant, paru fin août, à l’histoire du groupe lyonnais fondé à Rillieux, Carte de Séjour, qui a marqué les années 80 en mêlant punk rock et influences orientales. Au départ de Carte de Séjour, on trouve les deuxfrères Amini, qui vivent à Rillieux et sont aimantés par le rock, rejoints par Rachid Taha. Comment cela se met-il en place ? « Comme pour la plupart des jeunes Français de cette génération, il y a la variété à la radio. Puis d’un coup, le rock. Avec l’émergence du punk. Il y a une rencontre, à Rillieux, entre les frères Mokhtar et Mohammed Amini (basse et guitare) et Rachid Taha (chant). Une alliance se noue autour de la possibilité d’une expression musicale nourrie de la contestation. Au trio fondateur, se joignent alors Djamel Dif, un batteur expérimenté, puis le guitariste Eric Vacquer. C’est la première matrice du groupe qui va ensuite trouver sa forme définitive avec l’arrivée de Jérôme Savy, à la guitare où, paradoxe, il amène les esthétiques orientalisantes de ce qu’on appellera “arab rock”. » Il y a aussi une langue le « rhorho » qui mixe le français, l’anglais, le langage des banlieues, les expressions lyonnaises et l’arabe dialectal… « Le “rhorho” c’est une manière ironique de se mettre en scène dans une forme de créolisation, de métissage du langage. Des gars des quartiers qui parlent une langue inventée vont incarner l’esprit français. Ils deviennent, au sein de l’Europe des cultures, une certaine idée du métissage français. » Leur émergence est-elle liée à la scène lyonnaise très active de l’époque, Lyon étant même surnommée « capitale du rock français » ? « Ce groupe s’inscrit dans ce terroir extrêmement riche et dynamique des années 75–85. Ils sont issus de ces univers-là, et ils ont bénéficié de cette émergence. Et leur ascension se fait très vite, des premiers concerts en 1980 à la première re connaissance deux ans après. » Le groupe a perduré jusqu‘à quand ? « La dernière date de concert de Carte de Séjour, c’est novembre 1989 à Berne et le dernier grand moment , c’est quand le groupe est présent pour jouer, hasard des calendriers, au moment de la chute
du mur à Berlin. » Moment marquant de leur carrière, le succès de leur reprise du Douce France de Charles Trenet. Une réponse de ces jeunes de banlieue au racisme et au rejet ? « Ça dit qu’il y a ces “Rhorho”, qu’il va falloir intégrer au grand récit de la société française. Dans un contexte où les enfants immigrés dans les années 75–80, sont pris dans un rejet, sont stigmatisés, ils répondent : “Vous allez entendre notre voix et on va vous montrer qu’on n’est pas que des voyous”. Mais ils vont le faire avec ironie, et la chanson Douce France qui dit quelque chose de la France éternelle, ils la reprennent à leur compte en la retournant, dans un rock punk un peu ironique. » Plusieurs membres du groupe sont aujourd’hui décédés. Hormis Rachid Taha qui a poursuivi une belle carrière jusqu’à sa mort, que sont devenus les membres de Carte de séjour ? « Cer tains ont poursuivi l’aventure musicale professionnelle. C’est le cas de Djamel Dif, qui s’est beaucoup intéressé au raï. Jérôme Savy a poursuivi sa carrière dans différentes formations et comme enseignant dans des écoles de musique et au conservatoire. Et d’autres sont retournés travailler en usine, c’est le cas de Mokhtar Amini. »”
“L’écrit, une biographie parue aux éditions « Le Mot et le reste », emprunte pour sa couve la photo de la pochette du premier album du groupe « Rhorhomanie » paru en 1984. Un livre essentiel pour lever quelques lieux communs, des erreurs d’appréciation, des étiquettes farfelues. Il fallait bien ranger ces nouveaux venus dans une case ! Malheureusement, le raï s’offre à l’approximation sans peine. Rock the Casbah, pourtant ! L’auteur de l’ouvrage, Philippe Hanus, docteur en anthropologie historique est coordinateur de l’ethnopôle « Migrations, Frontières, Mémoires » au CPA (Centre du patrimoine arménien-Valence Romans Agglo) et chercheur associé au LARHRA (Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes, spécialisé en histoire et histoire de l’art pour les périodes moderne et contemporaine). Voici en condensé ce qui ressort de « Carte de Séjour, un groupe rock dans la douce France des années 1980 » : « Formé par Mohammed et Mokhtar Amini à Rillieux-la-Pape, dans l’agglomération lyonnaise, rejoints par le chanteur Rachid Taha puis par Jérome Savy et divers autres musiciens, Carte de séjour défend un ‘’rock métissé’’, engagé contre le racisme et pour la justice sociale. Le braconnage de la langue (un arabe de banlieue mâtiné d’anglicismes et de parlers populaires lyonnais baptisé ‘’rhorho’’) et des sons est au cœur de l’aventure de cet ensemble musical mêlant sonorités électriques et instrumentations traditionnelles du Maghreb. Contemporain des luttes des descendants d’immigrés, telles que la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, Carte de séjour exprime, durant la décennie 1980, une forme originale de création musicale et de résistance aux assignations identitaires. Ce livre retrace, grâce à de nombreux témoignages et archives inédites, l’histoire d’un groupe qui fut aussi l’ambassadeur d’une certaine culture cosmopolite, en Europe et au Maghreb et qui influencera nombre d’artistes de la scène internationale pop-rock et rap. » Parallèlement, Taha ouvre en militant inconsolable « Au Refoulé », un club de nuit dédié à tous ceux qu’on refoule des dancings pour délit de faciès. Dans la foulée sort le single « Zoubida » dénonçant les mariages arrangés chez les musulmans. Deux ans plus tard parait un premier album, « Rhorhomanie » suivi en 1986 de « 2 et ½ ». Cette année, Carte de Séjour plaisent et déconcertent avec la reprise de « Douce France » réalisée dans les années 1940 par Charles Trenet. Le 45 Tours est distribué aux députés de l’assemblée nationale française sollicitant une prise de conscience face à la discrimination et les préjugés : « Il revient à ma mémoire des souvenirs familiers Je revois ma blouse noire lorsque j’étais écolier. Sur le chemin de l’école je chantais à pleine voix Des romances sans paroles, vieilles chansons d’autrefois. Douce France, cher pays de mon enfance, bercée de tendre insouciance, je t’ai gardée dans mon cœur ! » L’aventure Carte de Séjour prend fin en 1989 lors d’un concert donné en Allemagne à l’occasion de la démolition du mur de Berlin. C’est la veille du départ en solo de Rachid Taha.
« Le nom de ce groupe de musique est emblématique du contexte socio-politique dans lequel il a pris naissance en 1980. En réaction aux textes restrictifs sur l’immigration (loi Bonnet et circulaire Stoléru) et aux expulsions des étrangers, se forment des groupes politiques et musicaux (comme le groupe Factory à Givors) qui résistent par la non-violence et la musique (de l’organisation de concerts alternatifs à la production de chansons et de disques). Le groupe Carte de Séjour est une structure musicale originale formée autour de Rachid Taha qui chante, Djamel Dif à la batterie, Mokhtar Amini à la basse, Mohamed Amini, Eric Vacquer/Jérôme Savy à la guitare et Steve aux claviers et à la guitare. Ils ont produit ensemble du rock avec des chansons en français et en arabe. Ce groupe mixte prône la tolérance et soutient les revendications des immigrés pour les papiers, (la ‘’ carte de séjour’’), actions qui ont pris parfois la forme de la grève de la faim (comme en avril 1981 à Lyon). Un premier disque et une première émission de télévision en 1982 font connaître Carte de séjour dans des cercles restreints à Lyon. Le succès de la Marche pour l’Égalité de décembre 1983 – pour laquelle le groupe joue place de la Bastille le soir de l’arrivée à Paris – et parallèlement les premiers succès électoraux du Front National à Dreux sont le contexte politique contrasté dans lequel est produit leur premier album dans les studios de Rennes. » Ce témoignage est signé Michelle Zancarini, historienne française. Elle est professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Claude Bernard-Lyon-I, et ancienne codirectrice de la revue Clio. Elle publie des ouvrages et de nombreux articles dans différentes revues et consacre ses recherches à l’histoire des milieux populaires. Elle est spécialiste d’histoire des femmes et du genre, ainsi que de Mai 68.
L’histoire de Carte de Séjour est truffée d’ébahissements. Paradoxalement, c’est le guitariste Jérôme Savy qui amène les consonances arabes à la musique, c’est compréhensible, personne ne veut faire la musique de ses parents dans la post-adolescence. Jérôme n’a pas de lien avec le Maghreb. La jonction de la musique arabe dans la composition se fait par le rock. Par cet exemple on comprend que toutes les problématiques d’intégration ne sont pas réelles. À l’adolescence, tous les jeunes veulent faire du rock qu’ils viennent d’Asie ou d’Afrique, ils sont attirés par les mêmes musiques. Il n’y a pas besoin de loi pour que les mélanges se fassent. « La musique rock va donc s’enrichir aux sons des percussions de Brahim M’Sahel (mort en 2024) et du Oud de Jalal Jallane. Le groupe installe son local de répétition, place Tolozan, sur les pentes du quartier cosmopolite de la Croix Rousse, où se produisent des rencontres fécondes entre ‘’rhorhos’’ (jeunes immigrés du Maghreb) et ‘’rockers’’ branchés du centre-ville. Carte de séjour y élabore une musique festive et engagée, dénonçant le racisme quotidien, la difficulté d’accès au logement ou les violences faites aux femmes et prônant dans ce contexte identitaire difficile l’intégration et les fondements de la tolérance. » Joli programme pour un groupe des années 1980.”
“Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Carte de séjour, l’incroyable aventure du groupe beur punk funk fondé par Rachid Taha et les frères Amini, Mohamed et Mokhtar, bientôt rejoints par Jérome Savy et Djamel Dif, dans ce « Carte de séjour : un groupe de rock dans la « Douce France » des années 1980 » signé Philippe Hanus, soit la première biographie extensive consacrée à cette formation aussi fascinante que proteïforme, originaire de la banlieue lyonnaise, et au son qui n’avait nul autre son pareil. Près de 400 pages, des dizaines et des dizaines de références à travers publications, articles de presse et documents divers, c’est un travail de Titan réalisé par l’universitaire Phillipe Hanus, qui a mené une véritable enquête pour s’inscrire pas à pas dans l’aventure Carte de séjour sans jamais rien omettre. 1980 à 1990, dix années d’une intensité maximale se déroulent ainsi de la manière la plus informée, y compris mes propres articles de BEST et de Gonzomusic, l’auteur est parvenu à tout retrouver : chaque concert, chaque entretien radiophonique ou télévisuel, chaque récompense décernée, comme le Bus d’Acier Prix du Rock Français en 1987, chaque péripétie de l’épopée Carte de séjour se retrouve ainsi analysé par l’auteur. Et tant pis si cette minutie, cette précision extrême pèse quelque peu sur le style narratif de ce « Carte de séjour : un groupe de rock dans la « Douce France » des années 1980 », on reste scotché par le destin de ce combo rock tant chargé d’espoir qui ne ressemblait à aucun autre. Je suis bien placé pour le savoir, puisque j’ai dû publier dans BEST le second article hexagonal jamais consacré à Carte, avant de documenter intensivement la carrière de Rachid Taha. A la lecture de ce livre, on comprend la double importance cruciale, à la fois musicale par son cocktail inédit de rock, de punk, de funk et de son orientalisme inédit, et aussi politique et sociale par tout l’espoir mais aussi le militantisme éclairé de Carte. Soit à la fois le Clash et James Brown, Elvis Presley et Trenet et l’esprit rebelle de Mai 68, sans oublier le contexte « beur » d’une culture arabe qui osait enfin sortir de l’invisibilité dans laquelle elle se trouvait depuis toujours. L’auteur s’attache également au pouvoir linguistique de cette langue, le « rhoro » qui mélange arabe, français et argot et qui a inspiré le titre du tout premier 33 tours de Carte de séjour, tout comme la personnalité si charismatique de Rachid. Groupe novateur dans tous les sens du terme, groupe-charnière qui annonce la carrière internationale d’un Rachid Taha devenu ambassadeur de cette sono mondiale à la Française qui a su si bien conquérir notre Planète Rock, pour la toute première fois un livre retrace ce parcours hors-normes car tellement chargé d’espoirs, c’est dire toute l’importance de ce « Carte de séjour : un groupe de rock dans la « Douce France » des années 1980 » à lire à tout prix, sept années après la triste disparition de Rachid et six ans après celle de Mohamed Amini.”