Parution : 14/03/2006
ISBN : 2915378245
208 pages (21 x 14,8 cm)

17.00 €

Surfiction

Réduit au non-sens, à la non-connaissance, le monde n’est plus à connaître ou à expliquer. Il est là pour qu’on en fasse l’expérience tel que le Nouveau roman le recrée, non plus comme une image (une représentation réaliste illusoire) ou comme une expression (un sentiment vague) de ce que nous pensions qu’il était, mais comme une réalité nouvellement inventée, nouvellement découverte — UNE VRAIE RÉALITÉ FICTIVE.

[...] Ainsi donc, pour moi, la seule fiction qui soit encore valable maintenant est celle qui tente d’explorer les possibilités de la fiction au-delà de ses propres limites ; celle qui lance perpétuellement un défi à la tradition qui la domine ; celle qui renouvelle constamment notre foi en l’intelligence et en l’imagination de l’homme plutôt qu’en une vision déformée de la réalité ; celle qui révèle l’irrationalité ludique de l’homme plutôt que sa rationalité bien-pensante. Je donne à cette forme d’écriture le nom de SURFICTION, non pas parce qu’elle imite la réalité mais parce qu’elle étale au grand jour l’aspect fictif de la réalité.

[...] La télévision a pris la place du monde réel. Un monde de spectacle — le spectacle étant le signe emblématique de ce produit de consommation ; la publicité du style de vie, sa psychologie populaire ; les épisodes des feuilletons, le lien unissant les simulacres de spectacle avec le public ; les images électroniques, la seule forme de cohérence ; la politique des médias, sa formule idéologique ; l’achat et la vente de la cote d’écoute, le lieu où se jauge le marché ; le cynisme, la violence et la sexualité, ses signes culturels dominants. Tous ces aspects de la culture de la télévision ont envahi ce qui passe pour de la littérature de nos jours. Mais si la littérature veut survivre, la vraie littérature, sérieuse et intelligente, même si on la juge élitiste, si elle veut survivre, il faut qu’elle s’oppose à la tactique de détournement de la télévision, il faut qu’elle dénonce la façon dont celle-ci présente et explique le monde.

Cela ne signifie pas qu’il faille pour autant nier la télévision. Personnellement, je ne la condamne pas, comme certains, surtout les snobs intellectuels. Au contraire je trouve que la télévision est un moyen de communication très important qui a un rôle crucial à jouer dans notre société.

Ce qui compte, c’est que la télévision ne peut pas, ne doit pas remplacer la littérature et surtout ne doit pas dicter aux écrivains les règles d’écriture de leurs livres.

Si elle veut retrouver sa place, jouer un rôle dans le monde, la littérature doit se re-situer par rapport aux médias. Mais elle n’y parviendra pas en ignorant ou en niant la télévision qui n’est pas près de disparaître, mais en faisant ce que la télévision ne peut pas faire, c’est-à-dire présenter le monde et les événements historiques sans l’interférence des forces économiques et commerciales.

Pour arriver à leurs fins, les écrivains doivent reprendre confiance dans la littérature, assumer de nouveau leur responsabilité vis-à-vis du langage, oui surtout du langage, même s’ils doivent passer dans la clandestinité, comme le suggère Kostas Axelos, c’est-à dire se placer en marge du courant dominant, de l’établissement littéraire, en dehors des considérations de succès et de réussite financière.
Raymond Federman examine comment, du début des années soixante jusqu’à nos jours, prend forme une nouvelle sorte de fiction aux États-Unis, mais aussi en Europe et en Amérique Latine, en réponse aux changements et tumultes culturels, sociaux et politiques. Loin d’une critique académique, Surfiction, néologisme créé par l’auteur, renvoie davantage à une appropriation singulière et distanciée de la postmodernité. Ce manifeste sur la littérature contemporaine constitue une clé — tonique et désopilante — pour entrer l’univers foisonnant de l’auteur. Nourri de nombreuses lectures, Raymond Federman néanmoins, a toujours réussi à se placer au centre de son oeuvre. Dans cet ouvrage, il tire le meilleur parti de ses talents de polémiste et de ses qualités d’écrivain.

Revue de presse

- Surfiction Sophie Rabau www.fabula.org
- Surfiction Isabelle Potel Air France Madame Octobre/Novembre 2006
- Surfiction Catherine Perrin Dazibao Septembre 2006
- La Preuve par huit Thierry Guichard Le Matricule des anges n°75 Juillet/Aout 2006
- Décapante défense de la littérature expérimentale en neuf essais F. G. Les Inrockuptibles n°543 25 avril 2006
- Vraies vies d'artistes Pierre Hild Libération 21 avril 2006

- Surfiction
Ce manifeste sur la littérature contemporaine constitue une clé – tonique et désopilante – pour entrer dans l’univers foisonnant de l’auteur. Nourri de nombreuses lectures, Raymond Federman néanmoins, a toujours réussi à se placer au centre de son oeuvre. Dans cet ouvrage, il tire le meilleur parti de ses talents de polémiste et de ses qualités d’écrivain.
Sophie Rabau
www.fabula.org

- Surfiction
Les écrivains n’ont-ils pas assez lutté pour donner au chaos du monde l’illusion d’une signification ? L’auteur bilingue Raymond Federman évoque ce nouveau roman né dans les années 60 et qui tente toujours de prouver que la réalité n’est que fiction. Ce traité érudit sur le roman postmoderne défend la littérature expérimentale, qui a la terrible réputation d’être illisible. Federman, pour sa part, est très accessible, et on comprend mieux certaines bagarres littéraires. On peut lui rétorquer qu’il est sans doute nécessaire à la survie de l’espèce que la littérature donne du sens à ce qui n’en a pas ; il nous convainc de l’utilité de des artisans qui, seuls et contre tous, explorent des terres inconnues et arides.
Isabelle Potel
Air France Madame Octobre/Novembre 2006

- Surfiction
Ce recueil de textes écrits par Raymond Federman depuis 1973 prend la forme d’un manifeste de la fiction « expérimentale », il nous propose de nous débarrasser de la fiction auto-réflexive et commente de nombreux romans pour illustrer son propos. Son texte est composé de citations et diversions, il n’hésite pas à être désopilant et totalement subjectif, son discours est foisonnant, bondissant, inachevé, drôle et nous avançons dans notre compréhension de la littérature.
De l’autobiographie, il dit qu’elle « est inventée après coup pour s’inscrire ou être inscrit dans l’histoire » ; pour cela « il faut soit mentir soit mourir » il a emprunté cette phrase à Céline. Pour lui « le plagiat n’est pas seulement admissible en littérature, il est recommandé ». Autant d’incitations à la désobéissance…
Ce manifeste est aussi une porte d’entrée dans l’univers de l’auteur Federman dont l’écriture captivante, polémiste est irrésistible, nous séduit par sa grande maîtrise de la formule, sa référence à la théorie Barthes, Foucault… et son encrage dans le réel.
L’éditeur marseillais Le Mot et le Reste nous donne à lire un livre important pour devenir un lecteur averti de ce qui s’écrit aujourd’hui.
Catherine Perrin
Dazibao Septembre 2006

- La Preuve par huit

Publié il y a treize ans aux États-Unis, Surfiction est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.

Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même… Le texte inaugural est un «manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part que l’auteur voudrait voir jouer au lecteur. L’œuvre collective, telle qu’évoquée ici, sent bon les années idéologiques que l’individualisme a mises à mal. Répondant à ceux qui annoncent la fin du roman quand celui-ci n’est pas seulement commercial (on entend encore en France ces vieilles sirènes), Federman déterre la hache de guerre et part en croisade : « la seule fiction qui soit encore valable maintenant est celle qui tente d’explorer les possibilités de la fiction au-delà de ses propres limites; celle qui lance perpétuellement un défi à la tradition qui la domine (...) Je donne à cette forme d’écriture le nom de SURFICTION, non pas parce qu’elle imite la réalité mais parce qu’elle étale au grand jour l’aspect fictif de la réalité. » L’homme continue, en avant et droit : « Écrire, c’est donc PRODUIRE du sens et non pas REPRODUIRE un sens préexistant à l’écriture. »

Les quatre propositions que l’auteur fait ensuite pourraient assez bien caractériser l’avant-garde des années 70 : on travaille le « médium », soit le livre, dans sa maquette, son format, sa typo, on désaxe la syntaxe, on décloisonne les champs possibles de la fiction, on accepte l’incohérence: « Puisque le sens ne préexiste pas au langage, qu’il est produit au cours de l’écriture et de la lecture, la sur-fiction n ‘aura aucune prétention à la signification, à la vérité, au réalisme a priori. »

La Fiction de non-connaissance est écrit cinq ans plus tard. Soit quatre ans après la création, avec Ronald Sukenik, de sa maison d’édition Fiction Collective. Son armée compte quelques valeureux francs-tireurs. Pour ces auteurs-là « le monde n ‘est plus à connaître ou à expliquer. Il est là pour qu’on en fasse l’expérience. » L’écriture est aventure.

Plus on avance dans l’essai, d’une très grande lisibilité, plus l’écrivain nous donne des titres et des auteurs qu’on aurait envie de lire illico presto. La Fiction autoréflexive ou comment s’en débarrasser apporte une dimension historique et politique au propos. D’après Federman, les années 50 aux États-Unis furent celles de la confiance et cette confiance s’incarnait dans l’image et le message du président Kennedy qui « s’offraient comme la défense du discours rationnel» «lorsque Kennedy souriait, cela voulait dire qu’il était heureux, et l’Amérique était heureuse. » À ce bonheur consumériste et sans ambiguïté, correspond la littérature fustigée par Federman (littérature sans « équivoque morale ou sociale »). L’assassinat de JFK va tout changer : «Soudain, tout cesse d’être clair. Soudain les Américains doutent de la réalité des événements » et Federman d’inverser le diagnostic : ce n’est pas la fiction qui est moribonde, c’est la réalité. On n’en finirait pas de paraphraser Federman : Surfiction est le livre d’un écrivain, universitaire sans jargon (lire les dialogues où il met en scène ses collègues), atypique, clairvoyant et libre. C’est un livre indispensable pour qui veut écrire.

Thierry Guichard
Le Matricule des anges n°75 Juillet/Aout 2006

- Décapante défense de la littérature expérimentale en neuf essais
Raymond Federman, c’est un peu notre oncle d’Amérique. Un type épatant, plus si jeune (il est né en 1928), dont on a appris l’existence assez tardivement, grâce à de petits éditeurs qui ont eu la bonne idée de (re) publier des titres comme AmerEldorado 2/001 ou La Fourrure de ma tante Rachel. Dès lors, on a voulu tout connaître de ce tonton tragique exilé en Californie, qui a construit son oeuvre sur une faille : la rafle de sa famille, à Paris, en 1942, qui a fait de lui un orphelin, un survivant. Et un solitaire aux solides amitiés littéraires, devenu universitaire et spécialiste de Beckett, auquel il consacra avec Tom Bishop un Cahier de l’Herne demeuré fameux. C’était en 1976, et cela nous rappelle que Federman n’est pas seulement un performer du vécu, mais aussi un intellectuel soucieux — depuis longtemps — de penser la fiction… et même la « surfiction » à en croire les textes aujourd’hui recueillis sous ce titre. Écrits entre 1973 et 1993, ces neuf essais n’ont rien perdu de leur actualité, voire de leur alacrité, pour fonder une sorte de manifeste de la fiction « expérimentale ». L’auteur se méfie pourtant de cette notion, qui sert souvent à discréditer commercialement ce qui est « atypique, difficile, innovateur, provocant sous prétexte d’illisibilité ». La défense de la « surfiction » sera donc une machine de guerre contre les conformismes de la littérature et de la critique : Federman promeut une écriture neuve, dont ses propres livres constituent l’application pratique et ludique. Il ne s’agit plus de « représenter » (le monde) ou d’« exprimer » (le moi), mais de rechercher la « non-connaissance » à travers la création pure d’un univers inédit : un « monde dans le mot », selon l’expression de William Gass, où la vie n’est pas reproduite, mais redécouverte à travers le langage. C’est ce que Federman appelle une « vraie réalitéfictive » et cela, évidemment, ne va pas de soi. D’où l’énoncé d’une sorte de discours de la méthode, où sont exa-minées les diverses modalités de cette nouvelle forme de littérature : comment, par exemple, inventer une autre syntaxe, fondée sur la page et non plus sur la phrase ? Comment se situer par rapport à la tradition moderne de la « fiction auto-réflexive » ? Comment aborder la question de l’autobiographie ? résister à l’impérialisme médiatique ? Et que faire de la postmodernité ? Federman répond sans jargonner, en s’appuyant sur l’histoire du roman (de Cervantès à Pynchon, en passant bien sûr par Beckett, omniprésent), mais surtout sur son expérience concrète, intime, de créateur. Le résultat, du coup, est proprement passionnant. Quiconque veut réfléchir à la possibilité de la fiction aujourd’hui — à la viabilité même de la littérature, dont on discute volontiers de la fin — pourra difficilement faire l’économie d’un tel recueil, qui excite la pensée sans éluder la polémique — car Federman est, aussi, un formidable tonton flingueur.
F. G.
Les Inrockuptibles n°543 25 avril 2006

- Vraies vies d'artistes

Les éditions Le Mot et le reste viennent de publier un passionnant recueil d’essais de Raymond Federman, Surfiction, qui trace les contours des nouvelles fictions nées depuis les années 60. Ce livre, que l’on trouve en pile à la librairie Tschann, dit notamment ceci : « ...Les grands supermarchés de livres américains (...) vendent plus de T-shirts, de calendriers ou d’attirail inspiré des héros de Stephen King que de livres » ; « au fond du magasin, presque dans l’arrière-boutique, il y a un rayon surmonté du panneau qui dit : Littérature (souvent écrit en lettres gothiques)... Le lecteur potentiel ne parvient que rarement jusqu’à ce mur, à l’exception de quelques fanatiques qui se souviennent encore où se trouve la Section des prophètes déchus. »
Eveil. Depuis les années glorieuses de ce quartier, quand les Montparnos, Kiki de Montparnasse, aimaient à fréquenter ce lieu, la librairie Tschann exerce son métier d’une telle façon que Federman trouverait ici le parfait négatif de sa description. Les artistes aiment toujours à la fréquenter : ce matin-là, on aperçoit les écrivains et cinéastes Jacques-Henri Michot et Jean-Marie Straub. On le sait, dire cela pourrait faire entendre «snob», «intellectuel», comme une moquerie ou une insulte. Ni camp retranché, ni cercle privé, ceci est une librairie discrète, généreuse et passionnante : un lieu de ressource et d’éveil.

Les nouvelles de Katherine Mansfield (Stock), les mémoires de Sybille Bedford (Bourgois) sont sur table. Quelques volumes de Jean Rhys en rayon. On célèbre les dix ans de la mort de Marguerite Duras. Le beau livre souvenir de Jean-Marc Turine (Métropolis) invite à relire cette oeuvre et celle des compagnons de route, notamment Dionys Mascolo. Au coeur d’un domaine sciences humaines de haute tenue, on trouve Entêtements (Benoît Jacob) qui rassemble des articles politiques ou littéraires écrits par celui-ci entre 1946 et 1981.

Parti pris. Devant le rayon Esthétique, une table propose pêle-mêle les parutions récentes en livres d’art. Gaston Chaissac, homme de lettres (ENSBA) vient faire écho à l’exposition qui se tient au musée de la Poste jusqu’en juillet, rendant la place des lettres dans l’oeuvre de ce franc-tireur du bocage. La poésie est une des pierres d’angle de la librairie. Des poèmes inédits de Georges Perros (Finitude) au recueil du jeune Lambert Barthélemy (Fissile), le choix est des plus larges, du Basque Uribe (Castor Astral) aux oeuvres complètes de Jack Spicer (Le Bleu du ciel). Preuve de cela, c’est un duo de libraire (Muriel Bonicel qui officie ici, Eric Maclos) qui a constitué le 100 Titres pour la poésie que vient de faire paraître, via l’ADPF, le ministère des Affaires étrangères. Ils y disent : « Le parti pris ici est celui de la chose plutôt que du bruit, du réel plutôt que de la médiatisation, de la vie plutôt que du spectacle ou de ce qui en tient lieu. » Des mots qui font enseigne pour cette librairie.

Pierre Hild
Libération 21 avril 2006
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