Parution : 21/03/2019
ISBN : 9782360549467
192 pages (11 x 17,6 cm)

8.90 €

Fée d’hiver - poche

La violence, à tout moment, est en embuscade. Mais André Bucher est un poète et la tragédie vire au conte de fées. Il s’attache aux lumières, aux nuages, à la grandeur du ciel, traque les silences, fait parler les non-dits. L’émotion est à fleur de mots, la langue puissamment imagée. Le livre est court, mais il multiplie les points de vue et les formes, se déploie lentement, infuse dans la mémoire des lecteurs. Au point final, il n’a pas dit son dernier mot.

Michel Abescat – Telerama

Alice, la quarantaine passée, secrétaire de la scierie, entend quitter son mari et échapper à la tyrannie de ses frères. Vladimir, le bûcheron clandestin, fuit son passé. Daniel et Richard, deux vieux frères un peu rock’n’roll qui vivent reclus dans la ferme du Val triste, ont des comptes à régler avec leur enfance. Tous vivent dans un coin de la Drôme, déserte et sauvage. Tous sont des échoués. Mais à force de rêves, ces écorchés-volant parviendront à dénouer le fil de leur existence... pour un hiver de toute beauté !

Revue de presse

- Fée d'hiver Yvon Bouette Ereann Yvon 24 septembre 2018
- La Grande Librairie François Busnel France 5 05 mai 2016
- "Fée d'hiver" d'André Bucher Vanessa Curton Zone Littéraire 15 février 2013
- Fée d'hiver Cathy Garcia La Cause Littéraire Octobre 2012
- Page Livres Michel Abescat Telerama 23 mai 2012
Fée d'hiver Aude Binet Festival Du Livre Et De La Presse D'ecologie Avril 2012
- Conte de saison Pascal Jourdana Le matricule des anges Avril 2012
- André Bucher, un écrivain entre terre et ciel Benoît Pupier parutions.com 30 mars 2012
- Fée d'hiver Noé Gaillard Murmures Magazine 27 mars 2012
- Fée d'hiver : naturellement inspiré ! Justine Minet La Tribune 16 février 2012
- Livres du mois Silence Mars 2012
- "Les gens cabossés peuvent garder une ferveur" Nicole Gellot L'âge de faire Février 2012
- Une magie singulière Fanny Stolpner Témoignage Chrétien 19 janvier 2012
- André Bucher dédicace au Bleuet Roberto Figaroli La Provence 15 janvier 2011
- André Bucher signe un 6e roman mélancolique et douloureux Alain Bosmans Dauphiné libéré 3 janvier 2012
- Fée d'hiver Pascale Arguedas Livre de lecture 19 janvier 2012
- Parution d'un livre dans la vallée Vivre au Jabron 17 janvier 2012

- Fée d'hiver

Alice au pays des neiges sanglantes.
Troisième roman de cet auteur vivant loin du monde littéraire que je lis, toujours avec beaucoup de plaisir.
En guise de prologue, un article du Dauphiné Libéré du 31 août 1948 relatant un fait divers : un agriculteur a tué son épouse, puis s’est suicidé. Ils laissent deux enfants de quatre et six ans qui seront placés dans une famille d’accueil.
Nous retrouvons ceux-ci, Daniel et Richard, entre août 1965 et avril 1988. Daniel tient son journal, Richard est revenu de la guerre d’Algérie depuis trois ans, il boite, Daniel, lui, ne parle pas.
Daniel étant enfin majeur est retourné vivre aux Rabasses, ferme familiale, située au sommet du col de Perty, dans la Drôme à l’extrême limite des Hautes Alpes.
Ils savent pourquoi leurs parents sont morts : leur mère avait un amant, leur père ne l’a pas supporté. Alors il faut vivre dans la solitude morale et physique. Il n’y a pas beaucoup de voisinage autour des deux hommes.
Mais pour Daniel, il y a Alice, plus jeune que lui, elle lui rend visite depuis des années, elle a vingt ans à présent, ils fêtent cela ensemble avec le gâteau confectionné par celle-ci. Et Daniel rit ! Une grande première depuis des années.
Mais d’autres personnages viennent au fil des ans troubler cette vie rude, solitaire mais tranquille.
Tranquille, elle ne le devient plus vraiment, Alice a des frères, propriétaires de la scierie, principal employeur des environs. Elle épouse Louis, un lointain cousin, l’amour n’est pas au rendez-vous. Elle a toujours un penchant pour Daniel, l’homme qui ne parle toujours pas.
Puis arrive le colossale Vladimir, bucheron rescapé de l’Ex-Yougoslavie. Il cherche du travail, et bien entendu, sans papier, il sera exploité par les frères d’Alice, mais Richard et Daniel lui offriront un toit décent…
Pour Alice l’amour, l’heure du grand amour, sonnera, avec son cortège de rancœur, de violence et de drame.
Des personnages sont, soit très attachants, Richard, Daniel, Vladimir, pour les hommes, Alice et Dona, la stripteaseuse, pour les femmes.
D’autres par contre sont des êtres frustres et bornés, Parmi les frères d’Alice, l’un d’eux est plutôt enclin à pardonner à sa sœur, mais son aîné et Louis, le mari délaissé, sont pour la manière forte.
Des descriptions de paysages pleines de poésie, qui mettent la montagne en valeur. Une belle écriture et une lecture agréable.
Extraits :
– On aurait cru un canard ou un jars et la lune en se dandinant le suivait, rouge comme j’ai dit, rouge comme le sang et moi je criais pour ne plus entendre, les mains sur les oreilles, je criais.
– J’ai un peu plus de quarante ans. Je ne sais pas quoi en faire.
– Vladimir se sauvait tel un chien craignant à nouveau d’être battu. Il avait marché, marché longtemps, avant d’atteindre le Monténégro.
– L’introspection n’était pas son fort. Pourtant est-ce qu’elle en demandait trop ? Que devait-on attendre de ce petit mari, qu’il se comporte en amant ? Ou en père…
– Daniel en ange diminué et lui géant simiesque à la patte folle, symbiose d’un oiseau mythologique avec un élytre déployé pour protéger l’autre aile, sans l’abîmer.
– Car c’est un très grand danger de voir l’estime de soi dépendre de la manière dont les autres vous considèrent…
– Elle ruisselle, emplit sa vie. Nuages aux seins nus qui montrent ses genoux. Nuages au féminin. Belle à n’en plus finir.

Lire la chronique sur le blog Ereann Yvon

Yvon Bouette
Ereann Yvon 24 septembre 2018

- La Grande Librairie

François Busnel invite André Bucher pour sur son plateau pour parler de son nouvel ouvrage À l’écart et de la réédition de son “magnifique roman” Fée d’hiver.

Revoir l’émission

François Busnel
France 5 05 mai 2016

- "Fée d'hiver" d'André Bucher

Fée d’hiver se déroule avec magie, comme un conte initiatique, découvrant des personnages pris au creux d’une nature mouvante et matricielle.

Dans un pays du Sud de la Drôme, deux frères vivent épargnés dix-sept ans plus tôt par leur père qui d’un coup de folie assassina leur mère et se donna la mort sous leurs yeux.
Daniel est devenu mutique depuis ce drame, préférant « lire qu’être obligé d’entendre » mais surtout écrire. Avec son frère, Richard qui est revenu boiteux de la Guerre d’Algérie, il partage ce goût pour la musique et plus particulièrement pour le blues.

Leur destin croise celui de la belle et féérique Alice, une fille du pays, abîmée par son mariage avec un lointain cousin, et de Vladimir, un bucheron d’origine Serbo-croate, en exil.
Ce colosse a fui un village anéanti par la guerre et trouve refuge, au bout d’un périple jonché d’obstacles, dans l’amour et dans l’amitié mais surtout dans ces montagnes dont la forêt et le ruisseau s’accordent à sa solitude, malgré la rudesse des hivers.

Ce roman cristallin comme la neige fait vivre l’amour fraternel et transpire d’une gourmandise affectueuse pour les femmes vers qui les protagonistes semblent portés comme vers la langue.

Dans une écriture aérienne dont les flocons révèlent la beauté et la dignité des êtres, tout en faisant miroir à leur noirceur profonde et à leur vilénie, la polyphonie des voix éclot comme la sève qui remonte la feuille par les phrases. Ces voix se rencontrent et apprennent strate après strate à vibrer au ton juste…ou plutôt, elles apprennent à s’entendre et à se con-naître.

Extrait :

_« La vie d’avant ressemblait à une promesse non tenue et l’avenir à un malentendu. Puis on parvient à se frayer un chemin, un ailleurs, on recréé le décor intime, on réussit même à se bâtir une nouvelle demeure. On prend ce qui vient, le travail que personne ne veut, le vent le froid la solitude et la fatigue, le temps qui passe, les jours et les heures.

Ensuite, à l’improviste, le plein s’insinue, s’insère dans le vide, un petit nerf se met à craquer. Quelqu’un surgit, vous éclaire vous traverse. Un regard ou un geste, une flamme ravivée dans le cœur, les pas du danseur. Elle vous en retire les échardes et vous n’avez qu’une envie : pouvoir, ultime tentative, convoquer les chers disparus, les réunir et recevoir leur assentiment. (…) »_

*Fée d’hiver,
D’André Bucher
Éditions Le Mot et le Reste, 2012*

Vanessa Curton
Zone Littéraire 15 février 2013

- Fée d'hiver

Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore le talent d’André Bucher, voici une bien belle façon de le découvrir. Dans Fée d’hiver, on sent le souffle d’un Jim Harrison, dont André Bucher est grand lecteur, mais l’écriture de cet écrivain poète paysan est unique. Et justement, elle sent le vécu, le territoire arpenté, la solitude affrontée. Fée d’hiver est un roman à la fois âpre et magnifique, austère et puissamment physique, comme les lieux dans lesquels il prend place dans ce sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes. Des lieux sauvages, entourés de montagnes, désertés par les hommes partis rejoindre les villes, où la vie, croit-on, offre plus de facilités.

Le roman démarre sur un prologue, un article paru dans le journal le Dauphiné Libéré, daté du 31 août 1948. Un fait divers « Drame de jalousie dans le sud de la Drôme », qui fait écho au titre du livre, Fée d’hiver. Cette fée d’hiver qui vient comme pour rompre une malédiction, une sorte de réparation d’accrocs dans les mailles du destin.

La première partie du roman est un journal intime à deux voix, s’étalant entre 1965 et 1988. Une façon de présenter les lieux, le contexte, les personnages. Daniel et Richard sont deux frères, l’un géant et l’autre court sur pattes, l’un parle peu, l’autre ne parle plus du tout. Ce sont les deux enfants laissés orphelins par le drame familial évoqué dans l’article du journal. Placés en famille d’accueil par la DDASS, ils ont grandi et retournent maintenant vivre dans la ferme familiale aux Rabasses, pas très loin du village de Laborel. Une ferme délabrée, que Richard, l’aîné, va peu à peu transformer en casse. Daniel lui, muet depuis le drame, s’occupe d’un troupeau de brebis. Deux marginaux en quelque sorte, repliés sur eux-mêmes, que les gens alentour prennent pour des attardés.

Et puis, il y a les Monnier, qui ont une scierie. Le père était l’amant de la mère de Richard et Daniel, responsable en quelque sorte de leur malheur, mais il est mort lui aussi, emporté par un cancer peu de temps après. Restent les deux fils, dont l’aîné dirige maintenant la scierie, et le cousin Louis, le nabot que les frères Monnier aimaient tant tyranniser, étant enfant. Depuis toujours enclins à la morve et à la méchanceté, la vie n’avait pas aidé à les changer ces deux-là. Heureusement il y a Alice, la jeune sœur. Alice est différente et elle n’a pas peur de passer du temps avec Daniel, pendant qu’il fait pâturer ses brebis. Elle passe le voir, cherche à communiquer avec lui. Daniel l’aime beaucoup bien qu’elle soit bien plus jeune que lui, seulement les années passent vite. Alice travaille comme secrétaire à la scierie de ses frères, elle part à midi ravitailler les bûcherons. Un jour, elle a déjà plus de trente ans, elle finit par dire oui au cousin Louis. Daniel décide qu’il ne parlera vraiment plus jamais et arrête son journal. Nous sommes en 1988.

Le roman enchaîne alors sur l’histoire de Vladimir entre 1995 et 1998. Vladimir est serbo-croate et bûcheron. En 1995, avant le cessez-le-feu entre les Serbes et les Bosniaques, sa sœur et ses parents périssent dans la destruction de leur village. Vladimir, c’est son métier qui l’a sauvé, il était dans la montagne en train de bûcheronner quand c’est arrivé. Quand il est revenu, il n’y avait plus rien, juste larmes, cendres et décombres. Il a donc fui, son pays, ses souvenirs, sa douleur. De pays en pays, une vie rude et solitaire, d’exilé, de sans-papiers, avec pour seul bagage, seul lien avec son passé, une anthologie bilingue de poésie des Balkans. Il exerce son métier partout où il peut, et de pays en pays, finit ainsi par arriver en France. Dans le parc du Lubéron, il travaille comme surveillant d’incendies avec Alain, un étudiant qui prépare une thèse sur l’éclatement de la péninsule des Balkans, et parle donc un peu la langue de Vladimir. Ainsi, tout en guettant les feux, débroussaillant, éclaircissant les bois, il aide ce dernier à perfectionner son français. Le Lubéron hors saison touristique est totalement dépeuplé au grand étonnement de Vladimir.

« – Et encore, tu n’as rien vu. Ici ça va, on est dans le Lubéron. Passe seulement de l’autre côté du plateau d’Albion, en redescendant jusqu’à l’extrême pointe Sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes, tu verras… c’est bien pire. Là-bas même les corbeaux sont inscrits sur les listes électorales. Par contre en tant que bûcheron, tu devrais pouvoir trouver. Plus personne ne veut faire ce boulot ».

C’est comme ça, qu’en mars 1998, quelques mois après la fin de leur contrat, Vladimir se retrouve face à Alice devant la scierie des Monnier.

« – Bonjour Madame. Je m’appelle Vladimir, je suis bûcheron et je cherche du travail ».

Entre temps, Alice, avait donc vécu sa vie de femme mariée. Mariée moins par amour que par peur de rester seule, et aussi sous la pression de ses frères, histoire que la scierie reste en famille. Le petit Louis était devenu un homme, toujours aussi faible, mais plus sournois, et puis il s’était mis à boire, à boire et à frapper. Alice était loin, bien loin de ses rêves. Après huit années de mariage, la coupe était pleine, et elle avait quitté le domicile conjugal, pour aller vivre dans un gîte d’une amie d’enfance, pas très loin des frères Lacour, Richard et Daniel. Ça faisait longtemps qu’elle ne les voyait plus, elle s’en voulait. Les choses allaient changer.

Vladimir donc, est embauché par la scierie. Non déclaré, il loge dans une caravane vétuste sans aucune commodité, mais il a l’habitude, et se contente de ce qu’il a, jusqu’au jour où les frères Lacour viennent lui témoigner quelques signes d’amitié et finissent par lui proposer d’aménager sur leurs terres, dans une cabane à remettre en état, au fond du Val Triste, à quelques kilomètres de leur ferme.

« Une tanière toute en rondins de pins mal équarris, adossée à la forêt et donnant sur une clairière avec une vaste prairie où serpentait un ruisseau qui prenait sa source en haut du vallon. L’eau y était fraîche même en été et elle avait un léger goût de rouille ».

Vladimir ne se doute pas qu’il va préparer là un nid d’amour pour une fée d’hiver.

André Bucher a l’art de décrire la nature, les sentiments qu’elle provoque et ses propres sentiments à elle, en tant qu’entité vivante à part entière, d’une façon totalement originale, des images non attendues qui donnent beaucoup de fraîcheur à son écriture, outre que l’histoire elle-même est captivante, toute pleine de rebondissements, de profondeur, d’humanité, et de rage aussi. Vraiment, ce roman est un torrent de montagne à glisser à votre chevet, il serait dommage de s’en priver.

La Cause Littéraire

Cathy Garcia
La Cause Littéraire Octobre 2012

- Page Livres

Nous sommes dans la Drôme du Sud, aux Rabasses, en haut du col de Perty. Le pays est sauvage, immense, désert. Et puissamment habité. Le texte en diffuse le moindre souffle, l’humeur la plus infime. Et le confronte, à chaque instant, avec les personnages qui s’y inscrivent.

On pense à Jim Harrison, à William Tapply, à ces auteurs que les Américains classent sous l’étiquette « nature writing ». Le scénario pourrait être celui d’un roman noir. Deux frères brûlés par l’image de leur père exécutant leur mère avant de se donner la mort, un bûcheron d’origine serbo-croate, unique rescapé d’une famille décimée par la guerre. Et Alice, au milieu de tous ces hommes.

La violence, à tout moment, est en embuscade. Mais André Bucher est un poète et la tragédie vire au conte de fées. Il s’attache aux lumières, aux nuages, à la grandeur du ciel, traque les silences, fait parler les non-dits. L’émotion est à fleur de mots, la langue puissamment imagée. Le livre est court, mais il multiplie les points de vue et les formes, se déploie lentement, infuse dans la mémoire des lecteurs. Au point final, il n’a pas dit son dernier mot.

TELERAMA

Michel Abescat
Telerama 23 mai 2012

Fée d'hiver

La nature recèle d’inspiration poétique pour l’homme et la femme ; sans ces derniers, la nature n’a pas d’histoire à raconter. Par l’intermédiaire de ses personnages, évoluant dans un paysage de la Drôme, André Bucher nous révèle cette poésie. Quatre inconscients cheminent lentement au sein de cet espace vivant, dévoilant sa beauté comme sa cruauté.

D’un côté il y a Richard et Daniel, deux frères sortis d’un fait divers qu’ils subirent enfants. Face à l’insolence de la vie qui continue sans s’arrêter sur ceux qu’elle a blessés, ils refusent de s’y inscrire : l’un reclus en mécanicien du bout du monde, l’autre muré dans son silence. Tel le vol du héron « soustrait au lent déroulé mécanique de l’horloge du temps », ils se suspendent dans leur souffrance. Ce qu’ils ne peuvent exprimer les empêche d’atterrir, de grandir.
De l’autre il y a Alice et Vladimir, ceux qui malgré leurs blessures ne renoncent pas. Elle, leur fée d’hiver à tous, affirme que l’on est en rien obligé de porter le fardeau de ses parents : « elle en refusait l’héritage, ce n’était pas une fatalité ». Lui, exilé d’un pays en guerre, veut « se confronter à une nature vivante », il « ne conçoit pas que puisse s’évaporer le souffle, l’espoir d’une vie nouvelle ». Pourtant, malgré la chaleur délicate qu’il instille en elle, malgré l’envie de « se retrouver au lit avec l’amour », la crainte d’un virage incertain les retient de prendre le train qui siffle sous le lit.
Dans ce « grand livre naturel » où « chacun dissimule ses manques dans son caisson de fureur étanche », l’univers poétique de la nature, complice, animé lorsque le silence et la solitude se parlent, leurs permet de s’envoler dans des imaginaires qui soulagent la souffrance, qui prédisent l’avenir.

On sent dans la gorge « hennir les étoiles explosées » que la glace mêlée à la neige finit par obliger à se taire ; les flocons amortissent les beaux bruits blancs. On frotte les galets du fond de l’eau, « parents éloignés des étoiles », pour faire venir l’éclat des brillants qui cascadent sur « le grand toboggan du ciel ». On se projette dans « l’eau, le courant, qui détache les amarres, qui transporte dans une vie nouvelle ». On laisse le végétal lancer des défis à un déluge de mécanique. Et lorsque « l’aigle royal danse la bienvenue », que « le soleil presse timidement son citron » ou que « le nuage donne la réplique au ruisseau », le lecteur, aidé par le style, doit ralentir pour laisser naître l’image ou, si elle ne vient pas, se laisser bercer par la poésie.
Portés par ces visions subliminales, les quatre naufragés progressent intérieurement, douloureusement, au rythme de leurs temporalités respectives. Petit à petit, « alors que fondamentalement rien ne change, tout paraît différent ». Chacun attend son tour, sans amertume, pour réussir à « se parler autrement que du bout des lèvres, se toucher davantage que du bout des doigts ».

Un livre qui sort de l’hiver avec espérance.

Festival Du Livre Et De La Presse D’ecologie

Aude Binet
Festival Du Livre Et De La Presse D'ecologie Avril 2012

- Conte de saison

Au Val Triste, ”il existe un site étrange dans le col quand le vent s’énerve où, d’une plate-forme taillée dans la roche, on peut écouter la montagne chanter.”
S’il est un écrivain français qu’on peut rattacher au courant “Nature Writing”, où l’on croise les Américains Jim Harrison et Dan O’Brien, c’est bien André Bucher. Son nouvel éditeur le confirme en intégrant Fée d’hiver, sixième roman de l’auteur, au sein d’une collection qui accueille aussi le Walden d’Henry D. Thoreau. S’il y trouve sa place avec logique, par la présence des paysages bruts de la Drôme reculée et leur description poétique, son intérêt littéraire réside surtout dans la justesse d’une confrontation de cette nature omniprésente aux actions et aux sentiments des personnages.
L’on démarre par un journal relatant un fait divers tragique survenu en 1948, quand un père en proie à la folie abat sa femme devant ses deux fils. On retrouve ces frères dix-sept ans plus tard, l’un devenu mutique, l’autre blessé par la guerre d’Algérie, mêlant leurs destins à ceux d’autres personnages, eux aussi en déséquilibre entre passé et présent, espoir et échec. Ainsi Vladimir, un bûcheron d’origine serbo-croate, unique rescapé d’une famille décimée par la guerre des Balkans, vit un exil secret et douloureux. On le voit d’abord errer, seul, dans les paysages noircis et détruits de son pays, où il ne reste que ”l’odeur diluée de la peur”. Des années plus tard, en France, changement de perspective : il attend le printemps et s’occupe de reboisement en songeant à Alice, joyeuse et rayonnante, avec qui il devrait ”pouvoir oublier et tâcher de recommencer”.
Malgré sa briéveté, Fée d’hiver surprend plus d’une fois par ses changements de direction narrative et la variation de ses points de vue. Complexe dans sa structure mais simple dans son trajet, le roman, empreint d’une atmosphère de conte merveilleux, avance avec sérénité de la douleur à la lumière.

Le matricule des anges

Pascal Jourdana
Le matricule des anges Avril 2012

- André Bucher, un écrivain entre terre et ciel

André Bucher est écrivain, agriculteur biologique et bûcheron. Depuis plus de trente ans, il vit aux confins de la Drôme et des Alpes de Haute-Provence, dans la vallée du Jabron. Dans ce lieu sublime et sauvage, entre terre et ciel, l’écrivain des grands espaces, druide à la barbe broussailleuse, regard bleu, invente des récits de hautes solitudes, de résistances. Il publie Fée d’hiver, son sixième roman aux éditions Le mot et le reste.

Deux frères de guingois reprennent à la guitare une chanson de Bob Dylan. Richard l’aîné boîte à cause de la guerre d’Algérie. Daniel le petit est muet. Un voile noir pèse sur le récit. Un drame de la jalousie. La mort tragique des parents. Daniel joue au sourd-muet. «A chaque fois on terminait le morceau avec l’impression que l’étau qui nous comprimait avait lâché, que notre poitrine lacérée s’était élargie. (…) un cri silencieux faufilé par le nez et distillé peu à peu par les yeux». Ce chant de Dylan fait remonter à la surface le traumatisme de l’enfance. Le roman s’ouvre avec le journal de Daniel. Richard découvre le journal et répond à son frère. Nous sommes dans la Drôme du sud, aux Rabasses, en haut du col de Perty. Présent, passé composé, passé simple et imparfait, comme des couches géologiques de la mémoire. «Alice, c’était ma fée d’hiver», écrit Daniel en mars 1975. Le récit est elliptique. Avec Alice, c’est une amitié amoureuse, les mots pour elle, les silences pour lui. Elle a treize ans de moins. Elle s’échappera. C’est la sœur de «ces deux cons de Robert et Pierre». Ces trois-là sont les enfants du «monsieur de la scierie», en bas du col, avec qui se promenait la mère de Richard et Daniel. Les Monnier et les Lacour.

«Et puis, lui qui autrefois l’aimait tant, la neige sur le sang, la terre déchirée. La neige mensongère répandue sur les routes, les champs, les arbres détroussés de leurs feuilles». Vladimir – il n’a plus de nom de famille – est un autre personnage de la perte et de l’exil. Il traverse le chaos de la guerre dans les Balkans. Bûcheron, il fuit en Slovénie. Puis la Serbie, le Monténégro au bord du «lac noir de Durmitor», l’Italie. Un «vieux bonhomme» le guide par le col de Fréjus. Il vit au jour le jour de petits boulots : Grenoble, Gap, parc régional du Lubéron. En 1998, Vladimir arrive dans le canton de Séderon. «(…) en tant que bûcheron, tu devrais pouvoir trouver. Plus personne ne veut faire ce boulot». Le récit progresse de chapitres en chapitres, de personnages en personnages. Après Vladimir, Alice et sa vie désaccordée. «(…) on a qu’une envie : se retrouver au lit avec l’amour. Certainement pas avec des gants de boxe». Viendra un temps à la fin du livre où les voix seront mêlées, pour dire une communauté possible. Mais menacée.

Pour Alice, l’arrivée de Vladimir, c’est une échappé belle, amoureuse et sensuelle. Pour Daniel et Richard, c’est un frère de solitude à aider. Mais pour Robert, Pierre et Louis, le cousin, qui entre-temps a épousé Alice, c’est un géant qui finit par gêner. Tragique processus de répétition de la violence. Alors, comme un sursaut, entre terreur et beauté, entre terre et ciel, ils résistent.

André Bucher, arpenteur des émotions enfouies, installe ses personnages dans un royaume intermédiaire, entre fait divers et conte de fée. Il détourne le roman noir. Dans une danse du fond et de la forme, il accompagne le combat de liberté de ses personnages, leur quête d’amour, d’amitié et de beauté. Une écriture à fleur de peau. Sans pathos. Un récit épuré. Des voix-récits qui se rejoignent et se répondent. Une ribambelle d’expressions imagées dit la vie du ciel et des nuages, des montagnes, du soleil et de la lune, de la neige et du vent, des étoiles, de la lumière et des ombres. Imagées mais pas abstraites. «Où vont les petits nuages les poches gonflées de noisettes au lait en dépassant au sommet du col d’un tour de piste les écureuils sur leur vélo ?» Enfance du langage ; emprunts à l’oralité et au sens populaire, paysan ; effet de sidération ; propagation des affects. La nature n’est pas un décor mais un être animé.

La Cascade aux miroirs mettait en scène l’affrontement du feu et de l’eau. Fée d’hiver accompagne le baiser de l’air et de l’eau. Un bestiaire habite cette histoire : ours, héron, cerf, lapins blancs, chien, moutons, mulots, hirondelles, grenouilles, aigle, merle blanc, corbeau, castors, corneilles, rouge-gorge, brochet, papillons… Entre réel et imaginaire. Les descriptions ancrent le récit dans une réalité concrète : technique de la coupe du bois, géographie, botanique, géologie. Les souvenirs rebondissent sur des objets transitionnels : une veste, une poupée, un ours en peluche, des galets… Ces galets sont métaphores du jeu littéraire, détours de la grammaire (zeugmas, inversions, métaphores filées, double sens concret/abstrait…), ricochets des mots et des sons, des images et du sens, musicalité de la phrase. «Langue source, eaux sourdes de ma bouche». Inventer une langue pour une expérience sensible. Traversée des ombres. Féérie fragile.

Parutions.com

Benoît Pupier
parutions.com 30 mars 2012

- Fée d'hiver

André Bucher est qualifié en quatrième de couverture d’Écrivain-paysan. Installé dans la Drôme depuis 1975, il est l’un des pionniers de l’agriculture bio en France et “une des voix les plus singulières de la littérature française contemporaine”. Ce livre est son sixième roman.

Un court roman – 150 pages – mais un roman qui exige de vous une attention certaine. Et qui vous paye en retour d’un plaisir certain. Deux frères orphelins, un étranger, deux autres frères, leur sœur, et un cousin sont les personnages principaux. Ils vivent dans un coin “perdu” – isolé, si vous préférez – de montagne. Les orphelins sont proches de la nature et en symbiose avec elle, comme l’étranger bûcheron qui travaille pour la scierie des deux autres frères, la sœur a malheureusement épousé le cousin. Il s’agit d’une histoire d’amour. D’amour de la vie, de la nature, de la liberté, du plaisir. Un amour gâché un temps par la bêtise et la jalousie. André Bucher aime ses personnages – les sympathiques – comme, il me semble, Conrad Lorenz aime “ses” animaux. Et il les observe de la même façon qu’il observe la nature avec une attention amoureuse. Comme un entomologiste, un ethnologue amoureux de son sujet. Et bien sûr, parce qu’il a du style, une plume, nous prenons faits et causes pour ceux dont on décèle qu’ils sont proches de lui et plus intéressants que les autres, les soiffards un peu abrutis. Ceux à qui il fait dire : “On est entre gens intelligents, non ? Alors évitons d’échanger des idées.”

Un livre pour faire un beau voyage au pays des humains, pas pour prendre le train.

Murmure Magazine

Noé Gaillard
Murmures Magazine 27 mars 2012

- Fée d'hiver : naturellement inspiré !

Il fait froid, et c’est avec désormais une certaine amertume que l’on reluque notre thermomètre. Glacial… Et si se réchauffer le cœur et apprécier de nouveau le froid vous semble difficile, ce petit bijou gelé qu’est Fée d’hiver d’André Bucher est le bon remède littéraire. Ecrivain-paysan, cet auteur basé à Montfroc a le chic pour sublimer la Drôme aux prises avec les saisons. Un livre à déguster, lentement, d’une poésie et d’une beauté rare.

Égratignés par la vie
Aux alentours de la ferme des Rabasses, avoir le cœur en charpie semble être la règle. Tous des gueules cassées, égratignés sérieusement par la vie. Daniel et Richard d’abord, deux frères unis à la vie à la mort par l’assassinat de leur mère et le suicide coupable de leur père, et ce malgré la Ddass et les foyers, ont vieilli ensemble de leur ferme-ferraillerie. Le premier, la quarantaine passée, ne s’est jamais départi de son mutisme volontaire sans pour autant renoncer à communiquer. Le second, boiteux mais solide de caractère, veille sur son petit frère et sait aujourd’hui parler autrement. Deux hommes de la nature, un poil bourrus, un peu sauvages, que l’on regarde bizarrement au village. Puis il y a les frères Monnier, patrons de la scierie, notables sûrs d’eux, ennemis jurés des deux autres car leur mère fut l’amante de leur père. Et enfin Alice Monnier, douce sœur de ses brutes de frangins, à l’âme qui doute entre les conventions et ce qu’elle attend vraiment. C’est qu’on ne s’amuse pas tous les jours aux Rabasses, sauf des choses simples…
Le plaisir des choses simples, Vladimir ne cherche que ça. D’origine serbo-croate, il a fui son pays pour ne laisser derrière lui que les cadavres de sa famille, fauchée par la guerre. En vrai homme des bois, il échouera dans la scierie des Monnier. Mais c’est auprès de Daniel, Richard et Alice qu’il construira sa vraie famille.

Du Boris Vian hivernal
Arbres gelés, terre qui craque, vols d’oiseaux tourmentés, frémissement de la nature… André Bucher parvient à saisir la beauté de la forêt de façon saisissante. En bon contemplatif (oserons-nous parler de jouisseur ?), il met son adoration du paysage et de ce qui l’habite au profit de ses textes. Fée d’hiver vous entraine par bourrasque, vous pousse à sortir de chez vous et regarder droit dans les yeux cet hiver qui s’accroche. Autant dans l’humain que dans l’animal ou le végétal, il est d’une justesse remarquable, d’une douceur et d’une poésie inimitable. Suivant ses personnages sans jamais les brusquer, il les observe et sa bienveillance est lumineuse. Ecrivant comme il ressent les choses, ses mots se suivent dans une logique mi-absurde pleine de beauté.
“La lune nonchalante refuse de s’en aller. Elle se parfume avec un dé à coudre, au bord de l’archipel de cirrus dessiné par la nuée. Elle aimerait que les poissons dansent et mouchent, la bouche pleine de brioche. Elle sait que le ciel va s’obscurcir.”
Du Boris Vian hivernal et “naturellement inspiré”, magique !

La Tribune

Justine Minet
La Tribune 16 février 2012

- Livres du mois
Variant les styles, donnant la parole à chaque protagoniste, André Bucher, fidèle au sud de la Drôme, nous raconte une nouvelle tranche de vie et un amour difficile entre Alice, secrétaire dans une scierie familiale et Vladimir, sans papiers croates. Avec une écriture très lyrique, la description au fil des saisons, d’un coin perdu des Alpes du Sud. Une fable contemporaine qui semble pourtant en dehors du temps.
Silence Mars 2012

- "Les gens cabossés peuvent garder une ferveur"

Fée d’hiver, le sixième roman d’André Bucher, vient de paraître aux éditions Le Mot et Le Reste. Docker, bûcheron, berger puis paysan, cet Alsacien d’origine vit à Montfroc, dans les Alpes de Haute Provence. Rencontre avec un homme entré en littérature.

Comment vont Alice et Vladimir ? C’est la première question que je pose à André Bucher quand je rencontre ce géant perché sur sa montagne dans la ferme du Grignon, à Montfroc, où cet Alsacien d’origine s’est installé il y a plus de trente ans. « Mes personnages sont tous des échoués, des cabossés » dit l’auteur. Certes mais on découvrira, au fil de l’histoire que certains ont davantage droit au bonheur que d’autres. Fée d’hiver commence par l’évocation d’un drame de la jalousie au lieu­dit Les Rabasses dans le col de Perty, au sud de la Drôme. Deux frères, Daniel et Richard, se retrouvent orphelins et après avoir grandi dans une famille d’accueil, retournent à l’âge adulte dans la ferme familiale. A deux pas vivent Robert, Pierre et Alice, dont le père est lié aux tragiques évènements. « Dans ce que j’esquisse, on a deux familles poursuivies par l’histoire. Mais ce n’est pas leur histoire. Dans ces régions c’est souvent le cas. La haine ancestrale. Entre eux, point de salut. Mais hors d’eux, oui. » Daniel est mutique depuis la mort de ses parents. Il est amoureux d’Alice, mais André Bucher renonce à cette « dualité attendue et classique ». Le salut viendra de Vladimir, un exilé sans papier, un bûcheron serbo-­croate qui a fuit son village après le massacre de sa famille. « Un personnage de la perte aussi. Il est neuf pour eux. Ça m’intéressait. Vladimir est le nœud gordien. Il arrive comme un ovni. C’est un être humain qui va raviver un contexte. Un accélérateur. » André Bucher n’a pas souhaité une fin tragique : « J’ai détourné les codes du roman noir. C’est un fait divers transformé en conte de fée. » Le premier coup de baguette magique sera pour Alice et Vladimir, mais comme l’auteur ne voulait pas faire d’Alice la seule muse, il fait apparaître une deu­xième fée. Richard, vieux garçon es­seulé dans ses montagnes, rencontre Donna, danseuse dans une boîte de nuit. Rencontre improbable ? Ce n’est pas l’avis d’André Bucher qui pense qu’ « il n’y a rien d’inexorable, les gens cabossés peuvent garder une ferveur ».

LE PAYS, UN PERSONNAGE
Dans les romans d’André Bucher, le pays est toujours un personnage, aimé, quitté, retrouvé, idéalisé par des bûcherons, des paysans et des bergers – trois métiers qu’a exercés cet agri­culteur bio à la retraite. Campé sur ce socle inébranlable, l’auteur s’impose le challenge de « trouver une focale différente à chaque roman ». Il cherche un « angle, une atmosphère » qui va engendrer une autre écriture. « Sou­vent un auteur marche dans ses pas. On reproduit l’univers dans le même moule. Rien de tel pour m’agacer que les descriptions récurrentes, comme « la brume bleue des montagnes ». Il faut trouver d’autres images. » Pour renouveler son écriture tout en conser­vant son style fait de phrases courtes, André Bucher a choisi « d’animer » la nature qui devient une personne : « Si à la place de la nature, c’était un ani­mal, je dirais que je fais de l’anthro­pomorhisme. Le plus flagrant ce sont les nuages. Ils surveillent, sont bien­veillants, inquiétants. » Au chapitre intitulé le Val Triste, André Bucher écrit : « Où vont les petits nuages les poches gonflées de noisettes au lait en dépassant au sommet du col d’un tour de piste les écureuils sur leurs vélos?” « Depuis La cascade aux miroirs (2009), je suis plus dans le chant », explique-t-il. « Avant j’étais plus dans la narration. Si vous écrivez les phrases l’une sous l’autre, vous verrez qu’il y a des rimes. Si on se met à lire à voix haute, on comprend mieux. Mais attention ce n’est pas un poème, l’histoire doit entraîner les gens. Je travaille ma langue, une his­toire sans langue, c’est comme un jour sans pain. »

NE PAS ÉCRIRE À LA BONNE SAISON
« Les idées germeront des émotions », c’est la démarche qu’André Bucher propose aux lecteurs. « Je suis là pour rendre compte d’un territoire autant intime que géographique. Je cherche à partager des sentiments et des sen­sations. » Quand André Bucher met en scène une magnifique rivière pleine de crevettes et d’écrevisses, c’est sa manière de montrer que l’eau n’est pas polluée, ce qui est de plus en plus rare. « Mon travail, c’est qu’on s’interroge. Le monde en a assez des sentences ! La conscience écologique doit passer par la beauté de la planète. » Dans son prochain roman, le héros est un cerf « de 12 ou 14 cors », il ne sait pas encore, mais ce sera une figure tutélaire de la vallée, traquée par les chasseurs. Il a déjà des quantités de notes accumulées lors de ses moments de dis­ponibilités, la nuit ou en hiver. « Je suis agriculteur à la retraite mais mon fils a repris la ferme et j’ai pris l’habitude de ne pas écrire à la bonne saison, car je l’aide. » André Bucher a déjà quelques personnages dont un marionnettiste. Il se verrait bien faire réapparaître la la jeune-fille de 17 ans qui disparaît dans Déneiger le ciel (2007), ou bien Jérémy, personnage de son premier roman, Le pays qui vient de loin (2003). Le casting n’est pas bouclé, et bien qu’il ait accumulé assez de notes pour nourrir des centaines de pages, André Bucher ne se lancera pas avant d’avoir trouvé son scénario.

L’âge de faire

Nicole Gellot
L'âge de faire Février 2012

- Une magie singulière

André Bucher, écrivain paysan bio au parcours atypique (admis à Normale Sup’, il préfère voyager et enchaîner les boulots de docker ou de berger) fait dialoguer quatre éclopés de la vie, isolés dans les cols du sud de la Drôme. Les destins d’une secrétaire fuyant son mari, de deux frères marqués par une enfance dramatique et d’un bûcheron clandestin se rencontrent dans cette ode à la nature et au verbe troussé.

Témoignage chrétien

Fanny Stolpner
Témoignage Chrétien 19 janvier 2012

- André Bucher dédicace au Bleuet

Il s’agit là d’une exclusivité nationale. En effet, l’attachant écrivain-paysan qui réside dans les Baronnies et la Vallée du Jabron est aujourd’hui encore chez Joël Gattefossé à la librairie “Le Bleuet” à Banon. De 10 heures à 19 heures, vous aurez tout le loisir de demander une dédicace de l’auteur sur la page de garde de son dernier ouvrage : “Fée d’hiver” (éditions le Mot et le Reste).
Le sixième roman de l’auteur est de nouveau captivant. Tout commence par un fait divers comme il en existe des dizaines tout au long d’une année. Celui-là est particulièrement triste. Non pas parce qu’il concerne un drame de la jalousie qui se solde par deux coups de fusil, mais parce qu’il envoie du même coup des enfants à la Ddass, privés qu’ils sont désormais de leurs géniteurs. Daniel et Richard parviendront-ils à dénouer le fil de leur existence eux qui, repliés sur eux-mêmes semblent comme échoués sur une terre triste, privés d’affection depuis leur plus jeune enfance et sujets, dès lors, à des troubles psychiatriques ?
André Bucher le sait bien : le soleil comme la mort ne peuvent regarder fixement. Le livre pourtant, par l’intermédiaire de la plume aiguisée de l’auteur y parvient. Et promet de beaux lendemains.

Roberto Figaroli
La Provence 15 janvier 2011

- André Bucher signe un 6e roman mélancolique et douloureux

Alors qu’à 65 ans, il a pris sa retraite de paysan des montagnes du sud de la Drôme, militant bio de la première heure et pionnier d’un art de vivre alternatif, André Bucher (fondateur de la foire bio de Montfroc) poursuit sa carrière d’écrivain en livrant un 6e roman, “Fée d’hiver”. Ce dernier opus, sorti de derrière ses fagots de bois de la vallée du Jabron, est un de ces romans noirs, mélancoliques et douloureux que l’auteur nous a habitués à aimer. Un roman écrit d’une plume incandescente qui raconte la vie de personnages en proie à l’aventure intérieure et qui affrontent leurs démons en un huis clos fascinant. Une fois de plus, André Bucher nous envoûte à nouveau d’une dramaturgie aux accents panthéistes au cœur de la nature grandiose de ces Préalpes de Haute-Provence qu’il connaît si bien. Avec sa langue rocailleuse et sonore, il parvient à faire resurgir, dans ce lieu magique et imprégné de présences païennes un passé essentiel pour des personnages en quête d’identité.

Un western rhônalpin
Alice, la quarantaine passée, secrétaire désenchantée de la scierie, entend quitter un mari médiocre et échapper à la tyrannie de ses frères, pourris par l’argent. Vladimir, le bûcheron serbo-croate clandestin, fuit son passé et la guerre des Balkans. Daniel et Richard, deux vieux frères un peu rock’n’roll, ont des comptes à régler avec leur enfance. Une fille de joie triste et un vieux berger solitaire complètent leur univers. Tous sont des cabossés de la vie. Mais à force de rêves, ces écorchés vifs parviendront à dénouer le fil de leur existence. A la fin du récit, ils auront découvert que leurs véritables racines plongent dans l’amour profond qu’ils vouent à la nature sauvage, rude et belle, comme une promesse tranquille.
“Fée d’hiver” est un roman qui se lit d’une traite, comme un polar, comme on écoute un morceau de blues. Un hymne aux grands espaces, un western rhônealpin dont l’écriture rythmée par les chansons de Bob Dylan évoque les grands écrivains amérindiens contemporains Rick Bass ou Jim Harrison dont l’auteur est un grand lecteur. La parution de “Fée d’hiver” est prévue le 19 janvier aux éditions le Mot et le Reste.

Alain Bosmans
Dauphiné libéré 3 janvier 2012

- Fée d'hiver

Il faut croire à la chance.
Elle peut aider le talent,
même si, souvent,
on le voit suivre la chance en boitant…

C’est un vrai bonheur de découvrir le précieux catalogue d’une petite maison d’édition par ce superbe livre d’André Bucher ! De là à penser qu’il revient aux petits l’avantage et le courage de prendre le risque incombé d’antan aux grands — en publiant des trésors littéraires pas assez marchands ou dans l’air du temps — il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas car « A quoi bon parler, aboyer des mots ou les promener en laisse si c’est pour que les gens vous mordent… » Nous sommes des épicuriens pacifistes, d’heureux archéologues du plaisir savourant leurs trouvailles. Comment d’ailleurs ne pas sourire au clin d’œil nominal de cette maison marseillaise qui édite un ouvrage où Le Mot est la source d’une si belle langue et le Reste une idée chaleureuse de son partage.

André Bucher nous invite à le suivre dans un livre en forme de poupée russe, où trois histoires s’emboîtent, en détournant les codes d’un roman noir à intrigue pour nous offrir un long poème en prose d’une singulière et inquiétante beauté. Jouant sur divers registres (journal, poème, chanson, introspection, dialogue, récit), l’écrivain se livre à un examen poétique de la nature — premier personnage de l’ouvrage — ce qui lui permet de plonger dans les profondeurs de l’identité humaine et de sa dimension spirituelle. Il s’immisce, en une finesse exquise, dans toutes les failles comportementales qu’il explore avec justesse. Ses antihéros qui évoluent dans un coin de la Drôme du Sud, déserte et sauvage, ne sont pas des caricatures du bien et du mal mais des êtres plein de doutes, de rêves et d’amour, dont « la vie d’avant ressemble à une promesse non tenue et l’avenir à un malentendu ». Certains ont des comptes à rendre avec leur enfance, d’autres avec l’exil, leur famille ou plus subtilement avec la prise de parole quand les mots tuaient les voix (bel écho de La Saga de Youza du lituanien Youozas Baltouchis) mais tous, bien qu’échoués, sont porteurs de lumière et d’espoir : « Une sorte d’équilibre se maintenait, des vies calées entre envol et chute, croissance et décomposition. Il a trouvé dans la nature une sorte de veine magique de la vie, une sorte de stase, une sorte de lieu où la vue et l’apparence des choses (les surfaces) disparaissaient pour laisser la place à leur essence (ces chaudes molécules d’odeurs) qui étant ainsi révélée, illuminée, circonscrite, possédée. »

Dans le silence et la perte, ce conte surréaliste, d’une profonde tendresse et d’une chaude humanité, brille par une sobriété rare, une délicatesse de perceptions et d’impressions intimes, une admirable richesse métaphorique. Des héritages musicaux et des vertiges métaphysiques peuplent ses images poétiques. Les silences, les blancs, les non-dits sont d’une exceptionnelle densité. Quand ils s’agrandissent, la lumière devient plus intense, parfois plus grave. L’espace et le temps se télescopent alors pour luire dans une irrémédiable féerie. André Bucher est un poète, doublé d’un romancier, un nature writter qui a le goût de la langue, des sonorités, qui a le sens du rythme, de la fratrie et des affinités littéraires que ses lecteurs identifieront sans peine. On le lit quand on a « besoin de calme, de bienveillance et d’air pur, un petit capital d’oxygène et d’espoir. » On le lit quand on a besoin de la beauté d’un refuge, d’un endroit retiré du monde, idéal pour loger les rêves. On le lit souvent. On le relit. L’apparente simplicité de sa plume étant un si beau leurre.

Pascale Arguedas. Gif-sur-Yvette le 4 janvier 2012

Livre de lecture

Pascale Arguedas
Livre de lecture 19 janvier 2012

- Parution d'un livre dans la vallée

Ecrivain-paysan, André Bucher vit à Montfroc depuis 1975. Son écriture entremêle l’histoire de personnages vivant dans une vallée du Sud de la Drôme avec l’évocation rude et sensible d’une montagne et d’un ciel qui nous sont familiers. A déguster sans modération pendant ces soirées d’hiver au coin du feu…

En effet, c’est une histoire d’amour, de perte et d’exil, entre ciel et terre, comme échappée d’un roman noir – mais naturaliste – et déguisée en conte de fée que nous conte André Bucher. Cela commence par un fait divers, bien sûr, – il semble qu’il y ait des lieux comme la Haute-Provence prédestinés à abriter des drames – puis le temps et l’espace se déroulent, se déploient, immenses et insaisissables acteurs du récit. Devenus donc personnages à part entière, le fil de la vie, les paysages, les lieux ont une action primordiale sur les êtres que nous allons suivre et à qui nous allons nous attacher. Ainsi Alice, qui tente d’échapper à la scierie et à la tyrannie de ses frères, Vladimir, le bûcheron clandestin, serbo-croate, et qui fuit la guerre et son passé, Richard et Daniel – l’un boîte (l’on sait comme boiter peut augurer d’une manière de danser sa vie), l’autre se tait (et l’on sait comme le mystère d’une langue muette peut augurer d’une langue en attente de se déployer)- bref les deux frères un peu rock’n’roll qui vivent reclus dans la ferme du Val Triste.
Tous ceux-là ont des comptes à régler avec leur enfance, les vieux chagrins et les drames anciens qui peuvent en cacher de nouveaux. Ils vivent là, dans ce coin perdu près du col de Perty, désert et sauvage.
Le récit, en cet endroit donné, la montagne – et ses labeurs, et ses neiges, et ses près – est celui d’un voyage dans le temps et l’espace : itinéraires, mouvements du coeur, déplacements, climats, présence étrange de la lune, éphémérides, danse et langage amoureux des nuages, suspens, déchirements, basculements.
Un voyage orienté, comme aimanté.
Mais à force de rêves – de par l’étoffe même des rêves dont on est fait – l’on peut peut-être dénouer un drame ou le fil d’une existence et s’évader vers un hivers somptueux. Ainsi Alice, Vladimir et les deux vieux frères, nos échoués magnifiques, vont-ils nous ouvrir une brèche et André Bucher nous guider dans l’espace d’un monde qui s’accorde merveilleusement avec l’espace de sa langue. Son écriture y mêle célébration de la nature sauvage autour d’une étendue humaine profonde, en une scansion poétique tissée d’images à la magique beauté. Son récit n’est pas le long compte-rendu d’une vie, mais la partition musicale de l’histoire d’Alice et ses hommes formidables, qu’il nous donne à lire et à écouter, attentifs au rythme d’une harmonie polyphonique entre les voix de chacun et les éléments telluriques.
Il se met lui-même en tant qu’écrivain au service d’une quête, celle de ces gens qui sont en suspens de leur destin, en attente presque majestueuse de l’autre et d’instants privilégiés à partager, mais aussi en quête d’un langage où l’harmonie avec la nature et l’intemporel s’approche terriblement de nous, de notre propre battement de cœur. Tel est le lieux exact de l’alchimie qu’André Bucher vient d’opérer dans un échange mouvant et émouvant du récit et de la poésie, des hommes et d’un pays : son écriture.

Vivre au Jabron 17 janvier 2012
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