Parution : 14/03/2013
ISBN : 9782360540815
80 pages (148 x 210)

10.00 €

Carnets de Kyôto

EXTRAIT

Nous marchâmes ainsi indéfiniment dans la nuit, sous les grands arbres, rôdant sur des sentiers incertains, perdant notre chemin, contournant des bosquets fantomatiques, nous enfonçant dans la forêt glaciale, nous éloignant de la lumière et de la foule. Nous entendions les rires au loin. Le lendemain, la température remonta et la neige recouvrit Kyôto. Nous étions là depuis une semaine. J’avais dans l’idée de profiter de ce séjour afin de poursuivre mon travail sur l’âme. C’était sans compter l’imprévu qui surgit peu de temps après.

Visite à un potier, marches au milieu des montagnes, rencontre avec un maître de flûte ou une créatrice de masques de nô, parcours dans les allées d’un temple dans la nuit du nouvel an, représentations de nô et de kabuki, séances d’observation attentive des animaux, pérégrinations parmi les textes des féministes anarchistes japonaises du début du XXe siècle sont autant de chemins empruntés par Nadine Ribault afin de forer en elle-même toujours plus avidement. Après un séjour au Japon, en 2009, l’auteur écrit les Carnets de Kyôto dans un mouvement d’interrogation sur le temps : qu’est-ce que “vieillir” dans les sociétés dites civilisées d’aujourd’hui? L’expérience personnelle et unique que certains êtres rares rencontrés alors, mènent pour échapper à la tradition comme à la modernité, et vivre, et vieillir, par eux-mêmes, conscients des mirages, guide sa recherche.

Revue de presse

- Comme un cheval cabré Richard Blin Le Matricule des anges 05 octobre 2013
- Nadine Ribault De Kyôto à la Côte d'Opale Geoffroy Deffrennes Eulalie Mai 2013

- Comme un cheval cabré

Sortir de la résignation, trouver le lieu à partir duquel le temps se fait effervescence, tel est le credo des Carnets de Nadine Ribault.

Pour sortir de l’état de stupeur qui suit l’écriture d’un roman — ” le roman, c’est l’élan, la course endiablée, le vertige ” — Nadine Ribault a besoin de reprendre pied dans le temps, de se régénérer en trouvant appui dans le réel. De cette nécessité, et du besoin concomitant d’écrire un texte lent, est née l’idée des Carnets, d’une série qu’elle appelle ” Points d’Appui ”, et qui, après Carnets de Cornouailles et Carnets des Cévennes, nous vaut aujourd’hui Carnets de Kyôto.
Ces Carnets ne sont pas des carnets de voyage mais rassemblent chacun une quinzaine de textes s’inscrivant dans un mouvement d’interrogation : comment satisfaire un goût qu’on a en soi pour l’Absolu ? Pour les Carnets des Cévennes, ou, ici, qu’est-ce que vieillir dans les sociétés civilisées d’aujourd’hui, et plus particulièrement dans le Japon industrialiste et néotechnologiste d’aujourd’hui? Comment vivre naturellement là où tout pousse à consommer ” artificiellement ” et ” machinalement ” ? Pour une femme qui est toute sensation, se dit ” pré-habitée de paysages ” à la rencontre desquels elle va en parcourant le monde, et qui prône la résistance face à tout ce qui est inventé pour (main)tenir l’homme soumis, ces Carnets sont donc l’occasion de témoigner poétiquement d’une manière d’être, de sentir, et d’agir. La sienne, et celle de ceux qui ont choisi de se dérober à ” un certain type de vie faite de garde-à-vous et d’obéissance aveugle. ”
Au fil d’un séjour chez un ami potier, dans les les Alpes japonaises, de visites à un fabricant de poupées et à une créatrice de masques nô, de déambulations dans les jardins de Kyôto, de marches dans les collines en direction des temples, mais aussi en parcourant les textes des féministes anarchistes japonaises du début du XXe siècle ou en assistant à des représentations de nô et de kabuki, c’est l’absolue nécessité de lutter contre la tyrannie du ” rester jeune ”, la mythification de la machine et la défaillance de l’âme que souligne Nadine Ribault. Le risque est de perdre à jamais le lien de l’homme avec les rythmes du monde naturel et le pouvoir de vie et d’énergie qu’ils recèlent. Un danger qui, au Japon, se manifeste avec une acuité accrue du fait que ce pays, autant traditionaliste, artisanal et bouddhiste qu’essentiellement moderniste, est celui où l’on travaille le plus intensément, à travers les recherches sur le gène médicament, les nanotechnologies, la robotisation, à donner le jour à un être humain quasi infaillible.
À l’encontre de ceux pour qui la ” machine ” tient lieu désormais de ” nature ” et de vérité — ” L’homme veut, dorénavant, voir la machine autour de lui, près de lui, mais aussi sur lui et en lui — elle-même, ou bien les traces qu’elle laisse de sa divine intervention ” — et face à ce qui ressemble à un début de déshumanisation, Nadine Ribault invite à garder un esprit libre à défendre un sens passionné de l’ardeur, ” qui décuple les forces, et fait la jeunesse de l’être quel que soit l’âge réel de la personne ”. Elle exhorte à réinvestir le plan d’immanence, avec ses pieds, ses pas, en marchant, en observant, en faisant de la terre, des forêts, des paysages une source d’énergie. Elle appelle à écouter nos intuitions, dénonçant au passage le leurre des ” débats citoyens ” et autre ” démocratie participative ” — ” Nous vous écoutons, parlez ! ” — qui n’ont d’autre objectif que celui de permettre aux tensions sociales de se relâcher. Elle recommande enfin d’adopter ” la seule position convenable ”, celle du cheval qui se cabre et qui regarde les choses du dessus. Mieux même, elle préconise, quand sonnent les clochers de tourmente qui, jadis, dans les Cévennes, annonçaient l’orage ou la tempête, de ne pas courir aux abris mais d’entrer dans la tourmente, de rejoindre le refus.
Sa manière à elle de défendre, envers et contre tout, la vie, la littérature et son individualité.

Richard Blin
Le Matricule des anges 05 octobre 2013

- Nadine Ribault De Kyôto à la Côte d'Opale

Des rivages du Pas-de-Calais aux côtes du Japon, des lumières d’Opale au soleil levant, l’écrivain tisse ses récits sans se soucier des modes. Les seules impatiences sont dans la passion qui anime ses personnages féminins.

[...] Carnets des Cévennes et Carnets des Cornouailles en 2012, Carnets de Kyôto en mars 2013… Sans surprise, ses derniers textes font la part belle aux voyages.

[...] «Je n’aime pas l’expression littérature de voyage, telle qu’on l’entend», prévient-elle toutefois. «Pour l’éditeur il s’agit de nature writing, mais je n’ai pas l’impression d’écrire des lettres de voyages où l’on se déplacerait d’un point A à un point B. Ce sont des points d’appui, via des carnets. J’y exprime ma façon de reprendre contact avec le réel, le paysage, pour reconstituer mon énergie à la fin de l’écriture d’un roman.»

[...] Son regard sur le Japon semble sans concession. «Mes séjours cumulés représentent dix ans de vie là-bas. J’y observe une société ultra industrialisée qui a presque tout détruit. Même à Kyôto j’ai souvent l’impression que temples et jardins ne sont plus que musées pour le touriste.» Alors Nadine marche dans les forêts, grimpe dans les Alpes japonaises, part à la rencontre d’un maître de flûte ou d’une créatrice de masques de nô, retrouve un ami potier, observe les animaux…
«Je me demande aussi ce que signifie vieillir aujourd’hui. Même au Japon on me disait “vieillir c’est disparaître”. Autrefois le respect des vieillards s’y caractérisait par la reconnaissance d’un supplément d’âme, mais désormais on ne leur concède même plus cela, sauf dans le théâtre de nô où se matérialisent précisément les âmes.»

[...] Prémonitoires, les Carnets de Kyôto ont été écrits avant le tsunami de Fukushima.

Lien vers l’article complet ICI

Geoffroy Deffrennes
Eulalie Mai 2013
Réalisation : William Dodé - www.flibuste.net - Mentions légales