Parution : 15/11/2012
ISBN : 9782360540679
336 pages (148 x 210)

25.00 €

Épuisé

L’Affaire du requin qui valait 12 millions

l’étrange économie de l’art contemporain

Pourquoi quelqu’un envisagerait-il de payer une telle somme d’argent pour un requin ? Une partie de la réponse tient à ce que, dans le monde de l’art contemporain, le fait d’imposer sa marque ou son image peut se substituer au jugement critique, et que de nombreuses « marques » étaient impliquées dans ce cas précis.
traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fleur Ramette

Cet ouvrage, écrit par un économiste, s’ouvre sur une anecdote se rapportant à l’une des œuvres de Damien Hirst, un des grands noms de l’art contemporain qui domine la scène artistique britannique depuis les années 1990. Plusieurs de ses créations (dont L’impossibilité physique de la mort dans un esprit vivant, à savoir un requin tigre conservé dans du formol et présenté dans un aquarium) ont atteint des sommes record sur le marché de l’art. À partir de cet élément, Don Thompson déroule une étude détaillée, précise et largement accessible du marché de l’art, de ses lois économiques et psychologiques, de ses acteurs (artistes, galeristes, collectionneurs, musées, grandes maisons de vente aux enchères).
Ce livre s’adresse à toute personne qui s’intéresse à l’art contemporain.

Revue de presse

- Le marché de l'art contemporain: entre deux eaux, des requins en or Pascal Ordonneau Les Échos.fr 05 janvier 2013
- L'Affaire du requin qui valait 12 millions Pascal Bonafoux Art Absolument Mai 2013
- L'Affaire du requin qui valait 12 millions Cédric BRU Les Obsédés Textuels

- Le marché de l'art contemporain: entre deux eaux, des requins en or

En novembre dernier, je rédigeais une chronique sur un excellent ouvrage, Peinture et société à Naples du XVI-XVIIIème siècle : Commandes-Collections-Marché. J’y indiquai que l’ouvrage était non seulement un remarquable exposé sur l’art tel qu’il était pratiqué à Naples, mais aussi une description du marché mondial de l’art qui me paraissait étonnamment contemporaine.

La chronique que je propose ici porte sur un ouvrage contemporain qui traite du marché de l’art contemporain. Il part de l’étonnement provoqué par la vente pour 12 millions de dollars du fameux requin de Damien Hirst (un vrai requin, taille naturelle, conservé dans du formol) par l’un des plus célèbres collectionneurs du monde : Charles Saatchi.

L’auteur passe en revue l’ensemble des éléments constitutifs du marché de l’art qui retentit de nos jours de dizaines voire de centaines de millions d’euros ou de dollars pour des œuvres qui laissent souvent pantois et estomaqués même les observateurs les plus aguerris.
Le marché de l’art ce sont d’un côté des producteurs, les artistes ; des produits, les œuvres d’art ; des opérateurs, les acheteurs privés ou publics, les vendeurs marchands ou collectionneurs ; des places de marchés, les grandes maisons d’enchères…ce sont des prix qui sont maintenant à des niveaux tels, selon l’auteur, qu’un marchand ne pourrait se lancer dans la commercialisation haut de gamme aux États-Unis, sans disposer d’un stock d’œuvres de Frank Stella, Jasper Johns et Roy Lichtenstein, soit une mise de fonds initiale dépassant largement les 150 millions de dollars !
Est-ce pour autant un marché considérable ? Les sommes traitées unitairement pour des œuvres de Damien Hirst, Andy Warhol, Jeff Koons etc, conduisent-elles à des flux impressionnants de milliards de dollars ? Pas autant qu’on pourrait le penser ! En tout cas pas plus que le chiffre d’affaires mondial d’Apple : une vingtaine de milliards de dollars !

Don Thompson décrit les chausse-trappes comme les techniques de formation des prix sur le marché de l’art contemporain. Il les met en rapport avec la pratique des « grands artistes », ceux qui font les « unes » des journaux. Il en décrit les acteurs institutionnels, musées et fonds d’investissement. Et présente ces deux intervenants mythiques que sont les Grandes Galeries et les Grands Collectionneurs.

Vous intéressez-vous à ce marché comme un support d’investissement ? Soyez prudent, l’auteur nous rappelle qu’ « on estime que pour un Pollock passé par l’atelier de l’artiste, dix faux Pollock sont accrochés aux murs ». Le marché de l’art contemporain est encombré de faux Hirst, Koons, Warhol ! Est-ce si étonnant ? Ces trois artistes ont mis en place des factories et, parfois, ne font que signer les œuvres élaborées par leurs assistants. On avait décrit aussi cette situation au XVIème siècle et au XVIIème quand fonctionnaient à plein régime les grandes fabriques napolitaines et vénitiennes produisant des centaines de tableaux sous l’égide d’un grand maître.

Vous êtes sûr de votre choix ? Prenez garde que le prix de l’art contemporain est sujet à variation tout comme une vulgaire action : « d’un indice 100 en juillet 1990, le marché est tombé à 45 en 1993 et il est resté à ce niveau jusqu’en juillet 2001 ». Et l’auteur de nous rappeler qu’il en est des peintres comme des entreprises, le succès peut être suivi d’échecs et de déconfitures. Les artistes « oubliés » ne voient même plus leurs œuvres sur un marché d’enchères ni a fortiori dans les galeries. Ils sont « brûlés ». Ils sont passés de mode.

Vous persistez, et vous voulez vous décider pour une acquisition ? Quoi acheter, auprès de qui ? Dans quelle gamme ? Commencer par une œuvre bon marché ? Réponse immédiate « définitivement non : l’investissement n’est pas bon. Achetez une œuvre peu cher si vous l’aimez et si vous voulez vivre avec, mais n’espérez pas qu’elle prenne de la valeur. »
Une œuvre coûteuse ? Mais « le clown au singe de Picasso, vendu en 1989 2,4 millions de dollars chez Sotheby’s, se revendit 827 000 dollars en 1995 » ! Pour bien faire, il convient, comme dans le capital investissement, comme Charles Saatchi, de constituer un portefeuille…au bout de dix ans, avec un peu de jugement dans le choix des œuvres, les pertes (les croûtes !) seront compensées par quelques bonnes ventes. Une ou deux ventes exceptionnelles donneront le bénéfice…

Donc, il ne faut pas se tromper. Don Thompson insiste sur la nécessité de se former et de s’informer et de choisir en fonction de compétences qu’on a acquises et des moyens dont on dispose. Cela ne vous rappelle rien ?
Enfin, auprès de qui acheter ? Les galeristes font les réputations comme aussi bien les grands collectionneurs. Les produits ne sont pas si nombreux, les acheteurs institutionnels se multiplient avec la création intensive de musées partout le monde, aussi les galeristes réputés établissent-ils des listes d’attente. Vous pouvez aussi reporter vos achats sur les salles de vente… Don Thompson y consacre d’ailleurs des pages en remarques et en conseils.
En Résumé : passionnant, vivant, parfois drôle, souvent inquiétant, un livre riches et fournis en informations tant qualitatives que quantitatives.

Lien vers l’article

Pascal Ordonneau
Les Échos.fr 05 janvier 2013

- L'Affaire du requin qui valait 12 millions

Vous venez de refermer le livre (si nécessaire qu’il devrait être reconnu d’utilité publique) qu’est L’Affaire du requin qui valait douze millions, l’étrange économie de l’art contemporain. Amateur – quitte à passer pour irrévocablement ringard, vous tenez à cette appellation -, vous prenez alors conscience qu’il vous reste trois solutions. Le suicide, déclencher une révolution ou éclater de rire. Renoncez au suicide que vous dictent la colère et le dépit ; il serait inutile. L’appel du genre « Amateurs de tous les pays, unissez-vous ! » risque de ne pas être d’une efficacité immédiate. Reste à rire (lequel rire ne peut être que jaune). Les pages de ce livre rapportent ce qu’a été la scrupuleuse enquête menée par un économiste, Don Thompson, qui a notamment enseigné à Harvard ce qui suffit à laisser entendre que l’incompétence n’est pas son fort. Elles ne sont donc les propos ni d’un amateur déconcerté et écœuré ni ceux d’un historien de l’art ou d’un critique aigri et atrabilaire. Il se trouve que cette enquête est parfaitement comparable à celle d’un polar. La victime ? L’art. Qu’il est, après cette lecture, hors de question de confondre avec l’art contemporain. Singulier pouvoir d’un adjectif… Pour éviter tout malentendu, Don Thompson précise : « La définition que j’utilise dans cet ouvrage est qu’une œuvre d’art contemporain est non traditionnelle et a été créée après 1970, ou bien qu’une maison de ventes importante l’a présentée ou a présenté une œuvre comparable réalisée par le même artiste comme “contemporaine”. » L’amateur qui n’a pu s’empêcher de remarquer, mais comment faire autrement ? que Don Thompson a accompagné l’adjectif contemporain de guillemets, sait d’emblée qu’il pourra au fil des pages avoir affaire à des œuvres réalisées avec de la poussière, de l’urine, des excréments d’éléphant ou des bonbons de réglisse. Ce qui ne le surprend pas ; il sait depuis longtemps à quoi s’en tenir. Il en a vu d’autres… Si l’art est la victime, ces matériaux n’auront été (peut-être) que l’arme du crime. Pas le mobile. C’est celui-ci que le livre, avec rigueur et humour, met en évidence page après page. Il s’agit de faire de l’argent, beaucoup d’argent. À condition, faut-il seulement le préciser ? d’en avoir déjà beaucoup.
Déjà, à la fin du XIXème siècle, Renoir grognait : « Maintenant ce n’est plus un tableau qu’on accroche à son mur, c’est une valeur. Pourquoi ne pas exposer une action de Suez ? » Et, quelques années plus tard, en 1912, Guillaume Apollinaire bougonnait : « Vous ne connaissez pas votre bonheur, les peintres en général, de faire des tableaux dont la valeur en somme et en principe va en augmentant. » Aucun doute à avoir, l’agacement de Renoir et la jalousie d’Apollinaire, un peu plus d’un siècle plus tard, ne sauraient provoquer chez les acteurs du marché de l’art contemporain qu’un sourire de condescendance apitoyée. La raison en est simple. Celui qui avait fait l’acquisition d’une toile de Renoir dans les années soixante-dix (1870) avait dû attendre une trentaine d’années avant qu’elle devienne une « valeur » et celui qui suivrait les conseils du critique d’art que fut Apollinaire devrait attendre quelques années avant que ce dont il avait vanté l’invention soit enfin une même « valeur ». Inadmissible…
Le marché de l’art contemporain est, en ce début du XXIème siècle, impatient. Et tous les moyens sont bons – vous avez bien lu tous – pour gagner vite beaucoup, beaucoup d’argent. Un exemple parmi tant d’autres : vous avez acheté 200 livres l’un des innombrables portraits de Staline peint par un inconnu. Hors de question que Christie’s l’admette dans l’une de ses ventes. Faites peindre un nez rouge à Staline par Damien Hirst et n’oubliez pas de lui demander de signer ce nez. Et Christie’s l’adjugera 140 000 livres. Si je ne cite que cette anecdote, c’est parce qu’elle est un symbole de ce qu’est ce livre. Il désigne le nez rouge du marché de l’art contemporain, de ce qu’il faut bien appeler sa Mafiart. Mais le rire que déclenche ce nez ne peut être que jaune.

Pascal Bonafoux
Art Absolument Mai 2013

- L'Affaire du requin qui valait 12 millions
“Ne sous estimez jamais l’incertitude des acheteurs dans l’art contemporain et combien ils ont constamment besoin d’être rassurés” Cet avertissement à l’auteur d’un ancien de chez Sotheby’s éclaire ce remarquable document d’une lumière opaque qui reste la marque ambiguë de ce secteur. Tous ceux qui s’intéressent de prés ou de loin à l’art contemporain auront à cœur de lire cette passionnante et foisonnante enquête (à l’anglo-saxonne…) où rien n’est négligé et où défilent collectionneurs, courtiers, artistes, agents, galeristes, consignateurs et marchands dans un théâtre d’ombres digne des plus complexes scénarios d’espionnage. On comprendra ainsi que l’art contemporain, au demeurant très souvent passionnant, peut-être qu’une simple caution et un prétexte à spéculations et ambitions manœuvrières. Témoin, ce pauvre requin (déjà deux fois reconstitué...) que Damien Hirst avec la complicité de Charles Saatchi, coupa en morceaux, isola les parties dans des produits mal adaptés, présenta de piètre manière et vendit douze millions de dollars pour le voir sensiblement ignorer depuis. Qu’importe, l’improbable avait gagné la bataille du goût. L’art contemporain est indiscutablement, à l’instar de certaines industries de pointe, le règne de “l’innovation radicale”. Indispensable et définitif.
Cédric BRU
Les Obsédés Textuels
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