Revue de presse
Mètre par mètre, la chute d’un homme qui fait de sa mort une œuvre d’art et de sa vie un livre où la chute est aussi une manière de s’élever à hauteur de l’amour.
Philippe Borsoï réussit le parfait assemblage entre récit intime et épopée fantasmée. D’une part parce qu’il utilise d’emblée une forme totalement maîtrisée. Je dirais comme un journal intime mais un journal où de nombreuses pages auraient été arrachées, pour laisser place à toute une série de morceaux choisis, un peu comme le fait spontanément la mémoire, choisissant, dans son for intérieur, un moment plutôt qu’un autre, un instantané, une émotion, plutôt que le récit global ou la simple anecdote.
D’autre part, c’est dans le contrepoint de la figure tutélaire de Rudolf Noureev qu’apparaît l’épique et la figure du père, sans cesse absent de là où il devrait être pour laisser grandir son art au-dedans de lui. Une forme d’égoïsme qui le mènera à un totalitarisme tout aussi prégnant que celui qu’il a fui, à l’image de la Russie soviétique. Le père n’a cessé de fuir : son pays, ses femmes, ses amants, un enfant né quelque part dans l’ivresse du hasard, à Paris, et qui deviendra le narrateur de ce happening en forme de performance. Car comme le dit l’écrivain il s’agit d’être happé, il s’agit de perforer l’instant, qui fait partie de la grande et de la petite histoire, du moins le temps d’une chute, et c’est ce qui est très réussi dans ce livre.
Pour ce qui est du titre, vous comprendrez aisément qu’il s’agit d’une altitude, d’un voyage, d’une odyssée à travers l’espace et le temps, matière trouée par le passage d’un homme qui établit scientifiquement sa chute avant de l’entreprendre. Car, attention, il ne s’agit pas d’un suicide mais d’une œuvre d’art ! Pas n’importe quel lieu, pas n’importe quel moment, pas n’importe quel prétexte.
Le lieu, tout d’abord : chargé d’histoire, celle qu’on lit dans les livres mais aussi l’histoire contemporaine, celle dont on nous rebat les oreilles dans les médias mais dont on ne sait finalement que peu de choses. Nous sommes non loin de Calais, au Cap blanc nez, tout près de la fameuse « Jungle », dont on apprendra d’ailleurs l’origine du nom usité par les migrants qui y affluent de tous bords. Ainsi paraîtra l’ami : Abraham, qui sera compagnon de joie de l’artiste juste avant de mourir. Un ami qui lui ouvrira les portes de l’instant, rythmant de ce fameux moment présent une vie toute empesée par le furieux désir d’en finir avec ses démons.
Pas n’importe quel moment puisque c’est le jour de son trente-troisième anniversaire que Luc Stablinski, héros de cette histoire en chute libre, décide d’être le narrateur scrupuleux de sa propre mort, en direct, sans filet. Une chute aussi vertigineuse, c’est un peu comme plonger au cœur du miroir et s’il est bien dangereux de se pencher au-dedans, cela donne une mémoire où la nostalgie se fait la part belle, où l’on voit défiler le film de sa vie. Tantôt avec des scènes en couleurs (les souvenirs de Luc avec sa femme Marie, à qui il ne donnera pas d’enfant mais dont il connaît pourtant par cœur le corps, fait de ces mille et une taches de rousseurs qui sont autant de souvenirs égrainés), tantôt avec des scènes en noir et blanc (les souvenirs de Stablinski, à Paris, avec sa mère qui a tout sacrifié pour faire semblant de vivre avec son fils, tels qu’ils auraient dû vivre, dans la volupté d’un certain luxe).
Pas n’importe quel prétexte non plus puisque l’amour semble être le seul moteur du héros. L’amour de son père, qu’il n’a pas eu, et celui de sa mère, démesuré, qui aboutissent finalement à une même forme d’égoïsme où l’on ne vit que pour soi, sans se réaliser vraiment. Aimer, d’un simple geste envers l’autre, par le regard porté, par la parole donnée. Alors, on sent dès les premières touches impressionnistes de ce livre (où l’on pense parfois à des tableaux du dix-neuvième siècle) que la quête du héros, dans sa chute millimétrée, au bout de ce précipice de soixante-quinze mètres, n’est autre que de rencontrer le fracas de l’amour total.
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L’AUTEUR SINAGOT PHILIPPE BORSOÏ À GRAIN DE SEL
Philippe Borsoï sera présent à Grain de Sel samedi 3 février pour présenter son premier ouvrage, Soixante-quinze mètres. Ce Sinagot d’adoption nous raconte comment son roman est né.
Pourquoi avez-vous commencé à écrire ?
P. B. : Je suis concepteur-rédacteur en agence de pub depuis huit ans, après 30 ans en tant qu’indépendant. Mon métier consiste, en autres, à écrire un maximum de choses en un minimum de mots. Pourtant ma scolarité a été difficile. J’étais dyslexique ! Cela m’a beaucoup gêné, freiné dans l’apprentissage de la langue et de l’écriture. Mais une fois que l’ai eu accepté. ça m’a fait avancer très vite et aujourd’hui ça me passionne! Ce qui était ma hantise est devenu obsessionnel, mais dans le bon sens.
Soixante-quinze mètres est votre premier ouvrage ?
P. B. : J’ai d’abord écrit un premier manuscrit trop autobiographique à mon goût mais il m’a permis de prendre confiance en moi. Et puis J’ai voulu que mon deuxième ouvrage s’adresse davantage aux lecteurs, qu’il leur apporte une réflexion. J’ai eu la chance d’être édité chez Le mot et le reste, et d’être convié au Salon du Livre de Séné par la librairie Marées-Pages, que je fréquente régulièrement.
Parlez-nous de l’histoire de ce roman, qu’a-t-il de particulier ?
P. B. : Le personnage principal est un artiste. Il saute de la falaise du Cap Blanc-Nez, persuadé de réaliser un happening unique et que sa chute lui apportera LA réponse. Dans ce récit il est question d’urgence de la pensée et ses priorités quand on a peu de temps pour réfléchir (pour mon personnage, 3 secondes91 centièmes). 75 mètres, ce sont 75 chapitres, au cours desquels trois histoires se tressent pour finir en une seule chute… si je puis me permettre ! Il y a beaucoup de digressions, je m’amuse à perdre les gens mais au final les ramène toujours là où je veux qu’ils aillent. Cette histoire est bien une fiction mais les événements historiques et les faits de société cités sont réels et les détails scientifiques vérifiables. J’ai aussi visité les lieux que je décris. Car comme dit Francis Ponge, le poète de l’objet « on ne peut décrire une chose si on ne l’a jamais vue ».
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
P. B. : Je prépare, non pas une suite, mais un ou deux récits parallèles pour faire vivre les personnages secondaires du premier livre. Etre présent au Salon du livre et à Grain de Sel est aussi important pour moi, car avec mon épouse, nous avons eu un vrai coup de cœur pour Séné. Nous avons pourtant déménagé une vingtaine de fois dans toute la France mais cette fois c’est différent. J’ai l’impression de connaître Séné depuis toujours. J’aime son bourg et son environnement. J’aime fouiner à Marées-Pages. C’est désormais ma librairie fétiche.
Que raconte votre roman Soixante-quinze mètres, paru aux éditions Le Mot et le Reste ?
C’est l’histoire d’un artiste qui décide de sauter d’une falaise… Art de la performance ou constat d’une vie ratée ? L’ouvrage déroule ces deux lignes de fuite qui finissent par se rejoindre, avec le narrateur, 75 m plus bas.
Écrire n’a pas été une évidence…
J’étais un enfant dyslexique. Apprendre à lire a été très dur. À écrire, n’en parlons pas. Je crois que je n’ai jamais eu un point à une dictée. Un parcours scolaire chaotique m’a mené à faire plus d’une dizaine de métiers.
Vous n’en êtes pas à votre premier essai ?
Il y a quelques années, j’ai été pris d’une boulimie de lecture. Et à force de lire, est née une envie d’écrire. J’ai déjà porté deux projets de littérature jeunesse dans les années 1990, qui ont connu un joli succès : La Piste des couleurs, aux éditions Larousse et la mini-collection Qui se cache ? aux éditions Milan.
Comment vous y prenez-vous pour écrire une histoire ?
Très tôt le matin, le week-end et pendant les vacances. Et je me documente le soir. L’histoire que j’avais en tête est surréaliste, alors je voulais lui donner des repères concrets, solides, que ce soit en géologie, en étymologie, en histoire… Je me suis rendu sur les lieux évoqués dans le roman, les ai photographiés pour mieux faire revivre des atmosphères.
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Un personnage et un lieu : le danseur Rudolf Noureev et le cap Gris-Nez, dans le Pas-de-Calais.
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Ce n’est sans doute pas un roman à lire sur n’importe quelle plage… Le sinagot Philippe Borsoï vient de publier « Soixante-quinze mètres », un portrait vertigineux.
Philippe Borsoï n’en est pas à son premier livre. Né dans la Drôme, Sinagot depuis dix ans suite à un coup de coeur pour le golfe, il avait déjà porté deux projets de littérature jeunesse dans les années 1990 qui ont connu un joli succès : « La piste des couleurs » aux éditions Larousse et la mini-collection « Qui se cache ? » aux éditions Milan.
Premier roman
Cette fois, il s’attaque à un roman, une falaise. « J’étais un enfant dyslexique. Apprendre à lire a été très dur. À écrire, n’en parlons pas. Je crois que je n’ai jamais eu un point à une dictée », raconte Philippe Borsoï. Un parcours scolaire chaotique qui l’a mené à faire plus d’une dizaine de métiers. De bûcheron à pompiste, de régisseur de théâtre à aujourd’hui concepteur-rédacteur dans l’agence de communication Philéas. « Il y a quelques années, ma directrice m’a prêté des livres, fait découvrir des auteurs. J’ai été pris d’une boulimie de lecture. Et à force de lire, par une envie d’écrire ». Il juge son premier manuscrit trop autobiographique. Puis en 2015, il donne vie à Luc, « un artiste émérite, lucide et heureux ». Philippe Borsoï écrit très tôt le matin, le week-end et pendant les vacances et se documente le soir. Car l’histoire qu’il a en tête est surréaliste, alors il veut lui donner des repères concrets, solides, que ce soit en géologie, en étymologie, en histoire… Il se rend sur les lieux évoqués dans le roman, les photographie pour mieux faire revivre des atmosphères.
« C’est ce que j’aime dans l’écriture : la magie des mots ».
Fascinations
Pour son roman-concept, ramassé en 120 pages, il s’inspire tout particulièrement d’un personnage et d’un lieu qui l’ont impressionné : le danseur Rudolf Noureev et le cap Gris-Nez dans le Pas-de-Calais. « Je suis aussi fasciné par la quête artistique, par la définition de l’art, par son rôle », explique Philippe Borsoï, qui a commencé son livre par la fin, par la toute dernière phrase : « J’admets enfin, à un tout petit centimètre du sol, qu’il est temps pour moi d’aimer ». Puis il a remonté le fil de l’histoire. « Quand j’ai envoyé mon manuscrit, j’avais un peu peur du fantôme de la prof de français, mais l’éditeur a été enthousiaste. Les rencontres sont importantes : c’est ce qui m’a permis d’effacer les galères liées à la dyslexie » résume cet « intellec-truelle », comme le qualifie son épouse, devenu aussi confiant dans ses mains pour l’écriture que pour le bricolage. À 60 ans, Philippe Borsoï voulait pouvoir se dire « j’en ai fait un » et tourner une page. Maintenant… il a bien envie de continuer à écrire, en changeant de point de vue.
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Depuis qu’il a franchi le pas en haut d’une falaise de la Côte d’Opale, Luc Stablinski jure, face au lecteur, « qu’il s’agit d’une performance artistique ».
Mais, durant les 75 mètres qui le séparent du sol, ses pensées le ramènent à sa vie d’artiste, la tendresse pour sa mère qui a sacrifié sa carrière de danseuse étoile pour élever son garçon, la quête d’un père inconnu et danseur célèbre, son amitié avec Abraham, réfugié érythréen rencontré à Calais, et Marie, sa femme à la belle chevelure rousse et aux innombrables taches de rousseur, qu’il aime à en perdre la raison.
Philippe Borsoï signe ici son premier roman, Soixante-quinze mètres. « Ce livre est une délivrance pour moi, car je peux non seulement lire, mais aussi écrire », confie Philippe Borsoï.
Il a longtemps été fâché avec la lecture lorsqu’il était à l’école. « C’était une vraie galère, confirme-t-il. J’ai toujours combattu cette dyslexie en m’exprimant avec les mots, dans la publicité. Passé l’âge de 50 ans, je me suis mis à lire tout ce qui me tombait sous la main, et je suis carrément réconcilié avec l’écriture et la lecture, qui me permettent de me poser et de prendre mon temps. »
Cet écrivain sinagot, qui a choisi de vivre sur la presqu’île de Langle, est né en 1956 à Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans la Drôme.
Il partage maintenant sa vie entre Séné et sa famille, et Rennes, où il est concepteur-réalisateur dans la publicité.
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