Revue de presse
Troisième épisode d’une semaine consacrée Herman Melville (1819–1891) qui tentera de décrypter les rapports de l’écrivain au territoire américain, à travers ses écrits avec Michel Imbert, traducteur et spécialiste de littérature américaine.
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Voilà un livre comme on aimerait en voir beaucoup plus souvent. On pourrait ainsi imaginer de regrouper certains éditeurs sur un type de projet identique. Ici l’association d’un texte littéraire avec un texte de vulgarisation scientifique sur le même sujet. Mais je regrette deux choses, d’abord en quatrième de couverture un texte en noir sur fond bleu assez difficile à lire et l’absence de courtes biographies des auteurs, enfin un certain nombre de fautes de typographie qui parasitent la lecture.
Imaginez ! Nous sommes au 19ème siècle : des journaux et des livres pour se distraire et s’instruire. Et en ce même 19ème des recherches, des découvertes, des analyses. Et l’on doit pouvoir affirmer que les individus qui lisent sont relativement cultivés et que la moindre allusion – même voilée – à un passage de la Bible ou à des auteurs reconnus ne passera pas inaperçu et ne laissera pas indifférent. Aujourd’hui je ne suis pas sûr que les lecteurs, même parmi les plus cultivés, connaissent et comprennent les emprunts, les citations – qui, les anglophones mis à part, connaît le poète Spenser ?-. C’est pourquoi il faut saluer le travail du traducteur commentateur (Michel Imbert) qui met en évidence tout ce qu’il est intéressant de savoir sur les textes et les auteurs. Exemple : les textes de Melville sont présentés en anglais comme « Sketch » et l’on peut leur trouver, par le biais des allitérations, une certaine moralité qui renvoie à nos sketch. Le mot anglais se traduit par « esquisse » et au fil de la lecture vous pourrez avoir l’impression de regarder un crayonné, une aquarelle de ce qui est décrit… Si Melville est dense en références, Darwin l’est moins, il sait qu’il « vulgarise » des connaissances. En revanche il existe un point commun très précis entre les deux hommes. Darwin ne se déplaçait pas sans un exemplaire du Paradis Perdu de John Milton, ce même Paradis Perdu auquel Melville emprunte…
Attention ! ce livre exige deux marque-page. Un pour les textes, un pour les notes.
Bonne lecture lente…
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Chaque traduction projette un éclairage nouveau sur une œuvre. Dans cette tâche, Michel Imbert explore les affleurements dans le texte de Melville des lectures qui ont accompagné la rédaction des Îles enchantées et, tout particulièrement, celles d’un autre visiteur des îles Galápagos, Charles Darwin. Melville s’est arrêté dans l’archipel en 1841 alors qu’il était embarqué sur le baleinier Acushnet ; Darwin à bord du Beagle l’y avait précédé en 1835. Le Journal de Darwin a été publié en 1839 puis en 1845 dans une forme enrichie. Les courts récits de Melville sont, eux, publiés une première fois dans un périodique en 1854 avant d’être réunis en un volume deux ans plus tard.
En juxtaposant les deux œuvres et en soulignant les échos qui courent de l’une à l’autre, entre correspondances et discordances, Michel Imbert montre le romancier aux prises autant avec les souvenirs de sa brève escale qu’avec une bibliothèque d’une rare ampleur. Darwin en effet n’est pas seul en cause : les dix esquisses de Melville renvoient implicitement ou explicitement à de nombreux récits de voyages, mais également à Edmund Spenser (cité en exergue de chaque esquisse), à Shakespeare, à Milton, à Washington Irving ou Fenimore Cooper — et encore à la Bible ou à la pensée politique de Thomas Jefferson. Prendre en compte la charge portée par ces différents courants élargit d’autant l’horizon de ces Îles enchantées.
On peut enfin chercher ce qui dans l’œuvre de Melville met en jeu, au-delà de l’anecdote, une forme de « pensée en archipel ». Les Îles enchantées ont-elles leur place dans l’archipel de Mardi ? Peuvent-elles faire pendant aux îles Marquises — Typee — où l’Acushnet a fait escale après son départ des Galápagos. Contraste, jeu de miroir ?
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