Parution : 19/01/2012
ISBN : 9782360540136
468 pages (240 x 300)

65.00 €

Épuisé

Esthétique du livre d’artiste

Une introduction à l’art contemporain.
Ouvrage co-édité avec la Bibliothèque Nationale de France.

Véritable événement éditorial, la nouvelle édition de l’Esthétique du livre d’artiste d’Anne Moeglin-Delcroix inventorie trois décennies de mutation profonde dans les attitudes artistiques sous l’angle du livre d’artiste.

Damien Sausset – Le Quotidien de l’Art

En 1963 paraît un étonnant petit livre d’images photographiques intitulé Twentysix Gazoline Stations. Signé du peintre californien Edward Ruscha, il est exemplaire d’un genre nouveau : le livre d’artiste.
Anne Moeglin-Delcroix rend compte de la naissance et du développement du livre d’artiste aux États-Unis et en Europe en relation avec les avant-gardes des années 1960 et 1970. Parce qu’il est inséparable de l’émergence de l’art dit ” contemporain ”, le livre d’artiste est une excellente introduction à la compréhension de ses principaux enjeux comme à la diversité de ses manifestations. Chaque chapitre aborde le livre d’artiste à la lumière d’un mouvement caractéristique de l’art contemporain qu’il éclaire en retour. Ainsi cette Esthétique du livre d’artiste invite-t-elle à une réflexion sur le livre comme forme artistique autant que comme recherche d’une autre façon de faire de l’art.
Cet ouvrage constitue la synthèse la plus large à ce jour de la production internationale. Depuis sa première édition en 1997, il s’est imposé comme l’étude de référence sur le sujet. Pour cette nouvelle édition, le texte, revu et augmenté, s’est enrichi de nombreuses reproductions. Quelques 700 livres y sont recensés (750 illustrations), productions de plus de 500 artistes, parmi lesquels Ruscha, Marcel Broodthaers, Christian Boltanski, Daniel Spoerri…

Esthétique du livre d’artiste est un ouvrage très attendu.

Revue de presse

- Esthétique du livre d'artiste Benoît Brunel ETAPES n°203 Avril 2012
- Le livre d'artiste est une oeuvre d'art a part entière Damien Sausset Le Quotidien de l'Art 25 janvier 2012

- Esthétique du livre d'artiste

Vingt-six stations-service prises en photographie, agencées dans un ouvrage, à raison d’un cliché par page accompagné de sa légende. Le livre porte en couverture uniquement son titre sur trois lignes, une typographie rouge sur papier blanc : Twentysix Gasoline Stations. La parution, d’une apparente simplicité, à l’impression et à la fi nition professionnelles ô combien communes, est pourtant exemplaire d’un genre nouveau. Édité par Ed Ruscha en 1963, le fameux ouvrage porte une réfl exion forte et pertinente sur son époque, et est considéré comme l’un des premiers livres d’artiste dans leur acception moderne.
Période de bouleversement dans laquelle l’art se reproduit massivement, à des fins notamment démocratiques mais surtout mercantiles, les années 1960 connurent un nouvel écho aux préoccupations que Walter Benjamin soulevait une trentaine d’années auparavant. L’inquiétude en effet qu’une œuvre puisse être diffusée à grande échelle, par les moyens techniques qu’étaient la photographie et les nouveaux outils d’impression d’alors, devenant un objet culturel de consommation au prix de la dégradation de son
essence. L’inquiétude aussi de la perte de son aura, pour reprendre le mot de Benjamin, de ce qu’il peut rester de son appréciation esthétique à travers cette approche collective désormais établie et affi rmée par la société contemporaine.
L’art n’était plus assuré de pouvoir contourner le système de vulgarisation dans lequel il a été entraîné. Et à défaut d’échapper à sa reproduction, il se devait de l’intégrer. C’est par le livre que les néo-dadaïstes européens et les conceptuels américains trouvèrent une issue possible et une réponse significative à cette situation
complexe.
Au livre médium de masse, les artistes empruntèrent les moyens de production et de diffusion.
Ils en retinrent le faible coût, la modestie du format, l’impression offset et la possibilité d’un tirage illimité. Et ils en dégagèrent nombre de bénéfices. La banalité du livre offrait un support quasiment vierge, ou renouvelé, et une nouvelle forme de visibilité et de réception de l’art.
Les artistes y prolongèrent leur œuvre et à certains égards y déplacèrent l’exposition. Les plus méfiants à propos de l’emphase de l’objet d’art reconnurent dans le livre sa discrétion et son accessibilité, aussi bien pour l’artiste que pour le lecteur. L’intérêt pour le livre tient également au fait qu’il est consacré à la seule maîtrise de l’artiste, indépendamment du commerce, de la rentabilité et de toute intervention étrangère, contributeur ou éditeur. L’abandon, primordial selon John Baldessari, de tout ressort économique redonne à l’art son authenticité. Enfin, le livre d’artiste participe positivement à la démocratisation de l’art, jusque-là inquiétante.
Il permet notamment d’atteindre un public qui était étranger aux galeries. Mais surtout, il met en avant un paradoxe assumé : à la fois l’œuvre n’appartient à personne car elle est possédée par tous, et sa lecture devient personnelle et intime, plutôt que collective.
La complexité de l’objet-livre permet d’inscrire l’œuvre sur plusieurs niveaux : le choix des matériaux, les possibilités d’assemblage, et la définition de différentes séquences de lecture. Un rôle prédominant est d’abord donné à la reproduction photographique, et, en ce sens, à la question de la reproductibilité, élément constitutif de la modernité.
Anne Moeglin-Delcroix s’est attelée à définir rigoureusement cette période dans laquelle l’art est passé de multiplié à multiple, et dans laquelle la diffusion de reproductions d’œuvres est devenue diffusion des œuvres elles-mêmes. L’auteur décrit les œuvres du genre et rend compte des questionnements autour du livre en tant que forme artistique, en rupture avec le passé et en subversion du présent, et de sa place majeure dans l’émergence de l’art contemporain des années 1960 à la fin des années 1980. Esthétique du livre d’artiste est une réédition augmentée de l’ouvrage de référence de 1997, coédité par la Bibliothèque nationale de France et l’éditeur Le Mot et le reste. Cette parution regroupe quelque sept cents livres et productions de plus de cinq cents artistes internationaux.
Ancienne élève de l’École normale supérieure, docteur d’État ès lettres, Anne Mœglin-Delcroix est professeur émérite de philosophie de l’art à l’université de Paris I-Sorbonne, où elle dirige le Centre de philosophie de l’art. Spécialiste de l’art contemporain, elle a été chargée pendant quinze ans de la collection des livres d’artistes de la Bibliothèque nationale de France.

Benoît Brunel
ETAPES n°203 Avril 2012

- Le livre d'artiste est une oeuvre d'art a part entière

Véritable événement éditorial, la nouvelle édition de l’Esthétique du livre d’artiste d’Anne Moeglin-Delcroix inventorie trois décennies de mutation profonde dans les attitudes artistiques sous l’angle du livre d’artiste. Centré essentiellement sur les années 1960–1980, l’ouvrage recense près de 700 publications et 500 artistes. Mais au delà du livre de référence, cette publication vaut également pour la réflexion savante menée par l’auteure sur un genre loin d’être mineur.
Entretien avec Anne Moeglin-Delcroix.

D.S.: Qu’est ce qui caractérise ce que l’on nomme «Livre d’artiste » dans les années 1960, notamment par rapport à des ouvrages comme Jazz de Matisse?
A.M-D.: Avec Ed Ruscha et son Twentysix Gazoline Stations publié en 1963, nous entrons dans une opposition nette avec l’ouvrage de bibliophilie imaginé par les marchands de la fin du XIXe siècle où une gravure était en vis à vis d’un texte de poète. Le livre d’artiste tel qu’il apparaît soudainement en Europe et aux États Unis est une œuvre à part entière. L’artiste met en page, compose le texte, décide du papier et réalise ou fait réaliser l’ensemble selon ses moyens. Nous ne sommes plus dans le bel ouvrage, luxueux, parfaitement relié. Le livre d’artiste peut désormais se rattacher au livre ordinaire dans son économie. Il est tiré à plusieurs centaines d’exemplaires et tend ainsi à s’inscrire dans le contexte politique du moment qui veut que l’art investisse les domaines de la vie. Son prix est souvent modique et il n’est pas signé. L’artiste cherche une large diffusion. Il affirme sa liberté envers le marché traditionnel.
D.S.: Quelles sont les figures essentielles qui ont conduit à l’invention du livre d’artiste?
A.M-D.: On oublie trop facilement qu’Yves Klein a fait ses premiers livres d’artistes en 1954. Dans les années 1960, citons Ben ou Dieter Roth qui réalise des dizaines d’ouvrages faits à la main. Il convient aussi de saluer une figure essentielle : Marcel Broodthaers qui va explicitement travailler sur l’espace artistique qu’est le livre, exemplairement illustré par son interprétation d’Un coup de dés jamais n’abolira le hasard. Mais de tous, celui qui a la plus profonde influence sur les générations suivantes reste Ed Ruscha.
D.S.: Est il possible de ranger les livres d’artistes dans de grandes catégories?
A.M-D.: Le livre remplit des fonctions très diverses : il va servir à archiver, à devenir une série, être le support d’une histoire, d’une utopie, d’une performance. Tout devient possible dans les années 1970, depuis des ouvrages assez complexes jusqu’aux publications faites à partir de photocopies.
D.S.: Vous semblez convaincue que le livre d’artiste est moribond…
A.M-D.: Oui, nous assistons à une nouvelle mode : des livres de luxe imaginés par quelques stars du marché avec l’aide de certains éditeurs. Ce sont des choses très chères mais sans intérêt artistique. Heureusement, je constate que certains jeunes artistes résistent à cette marchandisation.
D.S.: Quelle est aujourd’hui l’économie de ces livres d’artiste ?
A.M-D.: La folle spéculation sur ces livres d’artistes participe d’un double processus. Le premier, naturel, vient de la raréfaction de ces objets. D’autre part, de façon plus inquiétante, nous assistons à un phénomène spéculatif de la part des collectionneurs. Le livre d’artiste des années 1960–1970, longtemps délaissé par les institutions, est un des enjeux du marché de l’art contemporain. Évidemment, un fascicule acheté quelques dollars il y a vingt ans et qui se négocie aujourd’hui entre 6 000 et 10 000 dollars excite la fièvre du collectionneur.

Damien Sausset
Le Quotidien de l'Art 25 janvier 2012
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